Comment réussir la conservation des raisins de table ?
Le raisin (Vitis vinifera L.) est un fruit non-climatérique caractérisé par une faible activité physiologique après récolte. II ne subit donc pas de transformations positives après cueillette telles que les changements de coloration ou augmentation du taux de sucre (cas de la banane). La cueillette ne doit être réalisée que lorsque les critères de maturité et de qualité sont atteints. II ne faut pas s’attendre à une amélioration de la qualité par la conservation, mais plutôt avoir au départ, une bonne qualité en espérant la maintenir le plus longtemps possible.
Les pertes après récolte sont principalement dues à la déshydratation et un brunissement de la rafle, l’égrenage des baies, et même un flétrissement et un dessèchement des baies restantes. La pourriture grise causée par Botrytis cinerea nécessite une attention particulière car elle peut être à l’origine de pertes considérables si elle n’est pas maîtrisée.
Le grain de raisin est un tissu vivant dont la vitesse de respiration (5-8 ml CO2/kg/h à 10 °C et 12-15 ml CO2/kg/h à 20 °C) reste faible comparée a celle d’autres fruits. Lors de ce processus, une quantité limitée de sucres et d’acides organiques est lentement transformée en H2O, CO2 et en chaleur. Par ailleurs, il n’existe pas de transformation d’amidon en sucres et par conséquent il n’y a pas d’évolution du taux de sucre. La diminution de la fermeté est due principalement aux pertes d’eau. Le raisin se conserve pendant une période relativement longue après récolte, à condition d’être convenablement protégé des pertes d’eau, des moisissures et des blessures causées par différentes manipulations.
La durée de vie après récolte peut être prolongée jusqu’à plus de 6 mois (selon la variété si la température est maintenue le plus bas possible sans risque de gel des tissus. La basse température réduit le taux de respiration, prolongeant ainsi le métabolisme normal du fruit, et par conséquent sa durée de vie.
Technique de stockage
Les techniques de stockage des raisins de table permettant une conservation de longue durée (1 à plusieurs mois) notamment pour les variétés à peau épaisse. Cela fait partie d’un ensemble de pratiques qui vont de la conduite du vignoble (soins appropries en cours de culture) a la présentation finale au consommateur. De même, un lot présentant un état de fraîcheur remarquable après un séjour de deux mois au froid perdra beaucoup de sa valeur marchande si les conditions de transport et de distribution sont défectueuses. Les raisins destinés à la conservation doivent faire objet d’une attention particulière, notamment:
– Les traitements fongicides sur pied:
Il n’y a pas de traitement spécifique effectuer en cours de culture pour améliorer la conservation, mais il s’agit de respecter le programme de traitement préventif recommande contre le Botrytis base sur 4 traitements: après la floraison, avant la fermeture de la grappe, en début de véraison, et 3 à 4 semaines avant la récolte avec un fongicide spécifique.
– Le stade de récolte:
La récolte à un stade peu avancé ou les raisins sont encore fermes (taux de sucres solubles de l’ordre de 14°Brix), est préférable à une récolte tardive où les risques de contamination sont plus importants, ce qui peut s’accompagner d’une diminution de la résistance de la pellicule des baies.
-Tri et conditionnement: le ciselage doit éliminer les grains moisis, desséchés ou éclatés, et être effectué avec précaution car il peut entraîner des phénomènes de torsion ou des blessures au niveau des rafles, ce qui favorise le fletrissement.
La conservation doit respecter la pruine superficielle qui limite les pertes en eau, et dont la présence est considérée comme un critère dans la qualité de manutention des raisins. Enfin, une charge excessive des colis (stockage et conditionnement) risque d’entraîner des blessures ou l’eclatement des baies, et une pénétration difficile de l’anhydride sulfureux appliqué pendant le stockage.
– Le délai « récolte – mise au froid »:
Même si son activité respiratoire est relativement faible, le raisin est très sensible aux pertes en eau d’où l’importance de le soumettre a un refroidissement rapide par courant d’air froid (moyen le plus utilisé) le plus rapidement possible après récolte. Au cours de la récolte, il faut essayer d’éviter les heures les plus chaudes de la journée, tout en veillant à protéger le raisin récolté du rayonnement solaire direct avant la mise au froid.
– La vitesse de refroidissement:
C’est le refroidissement par air froid qui parait le mieux adapté au raisin. Mais ce type de refroidissement crée des conditions favorables aux pertes en eau dues au grand écart de « pression de vapeur » existant entre l’air de l’ambiance réfrigérée et l’air contenu dans les espaces intercellulaires du raisin. Cette phase doit être la plus courte possible, mais l’air passe mal dans la masse compacte des palettes. Pour accélérer le refroidissement, on peut utiliser des systèmes à air forcé. De telles unités peuvent abaisser la température du raisin de 27°C à -0,5°C en 6 heures.
Conservation frigorifique
Une fois le raisin cueilli…légèrement avant maturité et refroidi très rapidement après récolte (pré réfrigération à air forcé), la température d’entreposage la plus satisfaisante est -1 à 0°C pour toutes les variétés. Il Faut noter qu’à ces températures la germination des spores de Botrytis n’est pas définitivement mais plutôt momentanément stoppée. Pour éviter le dessèchement des baies et rafles, une humidité relative très élevée (90-95%) est indispensable, avec une vitesse de ventilation modérée. La température du fruit doit être entre -0,5 a 0°C durant toutes les manutentions du produit. Une humidité élevée (réalisée par l’adjonction d’un film de polyéthylène dans l’emballage) favorise, même à basse température le développement de champignons et en particulier de Botrytis.
Conservation par l’anhydride sulfureux
L’entreposage frigorifique de longue durée est limité dans le temps par deux obstacles majeurs: le flétrissement de la rafle et le développement des moisissures. Pour limiter le flétrissement et maintenir la turgescence des rafles, on crée autour du raisin, et par divers procédés, une ambiance très humide qui favorise le développement des pourritures particulièrement du Botrytis cinerea.
Pour combattre le développement de ce parasite, l’emploi d’un antiseptique puissant, l’anhydride sulfureux (SO2) est préconisé depuis très longtemps. Des études ont montré que la quantité d’anhydride sulfureux sous forme gazeuse nécessaire pour tuer les spores Botrytis, ou désactiver ces mycéliums dépendent de la concentration et de la durée de l’exposition à cette fumigation. La concentration totale (CT), calculée comme le produit de la concentration et la durée d’exposition, montre un minimum de 100 ppm-heure nécessaire pour la suppression des spores et mycéliums de Botrytis à 0°C.
La première fumigation est réalisée simultanément avec la pré réfrigération en combinant l’anhydride sulfureux au courant d’air froid. En passant à travers les structures d’emballage, ce dernier va assurer une bonne pénétration du produit jusqu’aux raisins localisés aux centres des emballages. Le processus de fumigation doit être renouvelé tous les 7 à 10 jours, en respectant les doses (CT) signalées ci-dessus. Pendant la fumigation, la ventilation de l’air doit être très active et le brassage de l’atmosphère doit être facilité par un positionnement correct des colis.
L’anhydride sulfureux, dont la densité par rapport a l’air est 2,2 ne diffuse pas très facilement. II faut donc favoriser sa pénétration dans les emballages. Pour le transport maritime des raisins, dépassant 10 jours ou dans le cas d’une manutention de longue durée ne permettant d’assurer une fumigation base d’anhydride sulfureux, on a recours à une émission continue du soufre. On place l’intérieur de l’emballage des générateurs d’anhydride sulfureux à base de méta bisulfite de sodium ou de potasse, en solution contenue dans les sachets plastiques, ou sous forme solide dans des papiers alvéolés permettant une libération continue et lente d’anhydride sulfureux pendant plusieurs semaines. L’utilisation des films plastiques perforés à l’intérieur des emballages combinée avec les générateurs permettent de réduire les pertes d’eau et d’assurer un meilleur contrôle de la pourriture grise sans aggraver le phénomène de phytotoxicité qui peut apparaître sur les raisins en contact direct avec le produit. On entretient de faibles doses (1 à 5 ppm) de SO2 dans les emballages.
L’anhydride sulfureux est toxique pour l’homme, corrosif pour les métaux et peut conduire à des brûlures sur le raisin ou des résidus excessifs si les fumigations sont mal conduites. Les résidus de SO2 (libre ou combiné) ne doivent pas dépasser 2 mg par kg de raisins. La combinaison de la conservation frigorifique et la fumigation à base d’anhydride sulfureux ont permis un entreposage pour des variétés adaptées (Alphonse Lavallée, Italia, Ribol) de 3-5 mois contre 2 mois pour Chasselas et Muscat.
Recommandations
En fin de stockage, les raisins doivent répondre au moins à trois critères.
1. organoleptiques: rafles vertes et turgescentes, pruine apparente, couleur et saveur agréables, absence de moisissures.
2. hygiéniques: doses d’antiseptique dans les baies nulles ou inférieures aux limites légales, bonne conservation des principes nutritionnels des raisins.
3. économiques: ciselage très réduit si nécessaire, aptitude au transport et à une conservation ultérieure de cinq à sept jours à température ambiante.
Avec INRA & Agriculture du Maghreb
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