En danger de disparition dans la région de Marrakech.
Les Khettara, un précieux héritage immatériel et une expertise ancestrale ingénieuse en matière de drainage des eaux souterraines, ont joué un rôle essentiel dans le développement de la Cité ocre tout au long de son histoire. Cependant, aujourd’hui, cette tradition millénaire est menacée de disparition dans la région de Marrakech.
Si les oasis du Sud du Maroc et notamment celles de Tafilalet entretiennent encore activement ce système de captage des eaux souterraines de la nappe phréatique, car elles sont nécessaires pour l’irrigation des cultures, à Marrakech les khettara connaissent des difficultés croissantes et finissent par disparaitre.
Actuellement, seuls deux ou trois ouvrages continuent à survivre et fonctionner avec des débits symboliques alors que dans les années 70, l’on recensait à Marrakech près de 567 khettara, dont 500 étaient encore opérationnelles. La région d’Al Haouz comptait de son côté, près de 130 séguia et khettara au début du siècle dernier, avec 5.000 kms de galeries et canaux, qui permettaient l’irrigation de plus de 150.000 ha, a indiqué, l’enseignant chercheur à l’université Cadi Ayyad, Dr. Mohamed El Faiz.
Une transition vers la modernité
La disparition des khettara est une illustration de la transition socioéconomique vers un mode de vie moderne. Les puits de pompage modernes qui séduisent par leur abondance d’eau et la facilité d’extraction, ont remplacé ce système traditionnel de drainage des eaux souterraines, jugé désormais comme archaïque, mettant ainsi en danger la pérennité des réserves des nappes phréatiques.
Il est à noter que l’usage de la technique des khettara au sud du Maroc remonte au début du 11-ème siècle, a fait savoir Dr El Faiz, un spécialiste du patrimoine et expert en « agronomie musulmane » et « jardins arabes », qui a publié plusieurs livres majeurs sur ce patrimoine national, dont notamment « Jardins de Marrakech » et « Marrakech, patrimoine en péril ».
En effet, le premier réseau de khettara a été conçu à Marrakech en 1106 par Oubeid Allah Ibn Youssef, un ingénieux bâtisseur venu d’Andalousie. Ce système de drainage d’eau s’est rapidement développé durant le règne des Almohades et des dynasties qui lui succèdent.
Une technique simple et ingénieuse
La technique de fonctionnement de ce système de captage des eaux souterraines est simple : il s’agit d’épouser la configuration du terrain pour mobiliser les eaux des pluies et des eaux souterraines, en vue d’alimenter la nappe phréatique. Concrètement, il s’agit de creuser un puits environ chaque 50m, les fonds de ces puits sont connectés entre eux par des galeries.
Contrairement aux canaux, qui ont tendance à être envahis par la végétation, et sont très sensibles aux intempéries et sujets à l’envasement, les khéttara permettent d’apporter une eau saine avec un minimum d’évaporation. Ces galeries souterraines servaient à drainer l’eau des montagnes à partir des contrebas de l’Atlas vers la ville de Marrakech et sa Palmeraie.
Les khettara étaient à l’origine de l’alimentation de la ville de Marrakech en eau potable, de l’irrigation des jardins et de la Palmeraie. Et pour de nombreux chercheurs, la Palmeraie, les oliveraies ainsi que les plus beaux jardins de cette cité impériale ont existé grâce à ce système de drainage des eaux.
Le déclin de cette technique traditionnelle a commencé dans les années 50 avec une orientation vers la grande hydraulique qui, malgré les progrès qu’elle avait permis en agriculture, a toutefois engendré une surexploitation de la nappe phréatique d’Al Haouz.
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Selon El Faiz, qui est aussi à la tête d’une association pour la sauvegarde de ce patrimoine, si à Marrakech, les khettara se font rares, elles continuent néanmoins à exister dans les zones rurales et montagneuses. L’association multiplie les actions visant à recenser ce réseau, mobiliser les moyens financiers pour le réhabiliter et le sauvegarder en tant que patrimoine du pays.
M. El Faiz appelle en outre, à préserver ces ouvrages, à sauvegarder ce patrimoine, l’intégrer dans le développement périurbain et dans les aménagements urbains, tout en permettant aux populations locales d’innover sans détruire ce qui fait la prospérité d’un système particulièrement adapté aux zones à climat semi-aride et les régions oasiennes au Maroc.
Dans ce cadre, M. Faiz a salué la réalisation du « Musée de la civilisation marocaine de l’eau », par le ministère des Habous et des affaires islamiques. Ce musée qui constitue un concept novateur, est la première structure du genre dans le monde arabe, dédiée au patrimoine hydraulique marocain, arabe et musulman. Il contribuera à la valorisation du savoir-faire marocain dans les domaines de la construction des bassins et participera à la sauvegarde des réseaux hydrauliques souterrains, (Khettaras), dont la majorité a disparu de la Cité ocre à cause de l’urbanisation galopante.
Cette technique traditionnelle de mobilisation des eaux souterraines (khéttara) a prouvé durant des siècles une utilisation durable de l’eau et une gestion intégrée de cette ressource vitale.
Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la mobilisation de l’eau, la technique des khettara est susceptible de continuer à jouer un rôle de grande importance dans la mobilisation des eaux dans les régions semi-désertiques, dont Marrakech. Ce savoir-faire ancestral qui était surtout l’apanage des hommes du désert, revêt un intérêt écologique certain puisqu’il permet une exploitation rationnelle de la nappe phréatique, avec moins de perdition d’eau et un faible coût de réalisation.
Bonjour, ayant vu récemment à la télévision française (la 5) un reportage passionnant sur le sujet je me suis remémoré avec émotion que mon père, décédé en janvier 2022 m’avait raconté avoir répertorié, alors jeune ingénieur français en cooperation à Marrakech, les reseaux d’eau de l’Atlas. J’ai retrouvé son long et précieux rapport en vidant son appartement à Lyon après son décès. Mon père avait toujours gardé un tres agréable souvenir de sa vie marocaine.
Bonjour Monsieur Fournigault,
Je viens de tomber sur votre ‘commentaire’ qui tient presque du message dans bouteille… Et je suis touché par la transmission de cet affect pour cette terre et pour ces ouvrages qui traversent les ages et les mémoires. J’ai moi-même effectué quelques relevés et début d’inventaire des réseaux entre Atlas et plaine du Haouz. Je sais que bcp des études sous le protectorat ont été archivées au Musée de L’eau de Marrakech et que Mr Ruf de l’IRD a contribué à valorisé ce fonds lorsque Mr El FaÎz est décédé. Je suis certain qu’une copie des travaux de votre père trouverrait sa place dans ce fonds ne serait que comme artefact (sans doute que les données physiques ont été catographiée en SIG depuis longtemps). Si ces travaux concernait les khettara, je serai interessé d’échanger avec vous.
PS : si les auteurs de l’arcticle ou modérateurs du forum me lisent, ce serait bien de mentionner cette dissparition de Mr Mohammed El Faïz dans l’article.
Bonjour Monsieur SORS!
C’est par hasard que je tombe sur votre réponse qui me fait très plaisir!
Très bonne idée pour remettre une copie des travaux de mon papa au musée de l’eau de Marrakech oui d’autant plus qu’ils étaient accompagné d’autres volumes également.
Je dois justement les récupérer à Lyon demain chez l’ancien voisin de mon père, un marocain justement 🙂 qui s’était pris d’amitié avec lui, et chez qui je les avais laissé en dépôt.
Sans doute mon père connaissait-il Messieurs Ruf et El Fais …
Avec plaisir pour échanger avec vous évidemment.
Si les modérateurs le permettent, je vous laisse mon numéro ici: 06 84 05 95 02 (Vincent FOUNIGAULT)
Bien cordialement
Monsieur sors,
Je m’intéresse à la technique du khettara. Pourrions-nous en parler par mail directement ?
En vous remerciant,
Sébastien