Comment aider les agriculteurs à optimiser la gestion et les rendements de leur exploitation, dans un contexte de pression climatique, économique et réglementaire ? Pour xFarm Technologies, la réponse tient en une application simple, connectée au terrain via des capteurs. Irrigation, suivi des insectes et des maladies, automatisation du cahier de culture… tout est rassemblé pour prendre de meilleures décisions en temps réel. Fondée en 2018 par des agriculteurs suisses, la solution digitale xFarm compte déjà plus de 500 000 utilisateurs dans le monde. Entretien avec Mathieu Cailleau, Business Manager France.
Pouvez-vous présenter xFarm Technologies ainsi que votre rôle dans le projet ?
MC : Pour ma part, je suis fils d’agriculteur, né dans la pomme ! Puis j’ai travaillé 10 ans dans l’irrigation et 10 ans dans le domaine de la nutrition végétale et des biostimulants. À l’international, avec un gros focus sur le Maghreb en général, et le Maroc en particulier.
Aujourd’hui, je contribue au développement de xFarm, une société en plein essor qui compte 250 collaborateurs dans le monde.
Notre solution est née en 2017 d’une idée simple : rassembler en une seule appli tout ce dont l’agriculteur a besoin. Avant, il devait ouvrir 5 applis différentes. Le fondateur de xFarm, Matteo Vanotti, a voulu tout rassembler : gestion administrative de l’exploitation, de l’entrepôt aux finances, suivi des besoins en irrigation, surveillance des insectes et des maladies, cahier de culture, connectivité du machinisme, …
Qu’est-ce qui distingue xFarm des autres solutions numériques ?
MC : Notre force, c’est vraiment cette solution tout-en-un. D’avoir toutes les données importantes à portée de main.
Avec l’atout majeur de notre module agronomique. Connecté à des capteurs très simples à installer sur les parcelles. Il suffit de scanner un flashcode pour que le capteur soit géolocalisé. Et c’est parti ! On propose des sondes d’humidité, des stations météo et des pièges à insectes connectés. Il s’agit de capteurs autonomes, équipés notamment d’une caméra, qui envoient chaque jour des informations et des photos pour suivre les vols avec précision.
Nous croisons toutes ces données de terrain avec des données satellitaires. Fin 2022, nous avons racheté 2 sociétés leaders du secteur en Europe : Space Sense en France et Greenfield en Espagne. Soit 50 personnes, qui travaillent depuis 10 ans pour générer des outils essentiels pour les agriculteurs : indices chlorophylliens, de biomasse par spectrométrie, indices de contenu d’eau dans les plantes, de température du végétal…
À ce jour, nous avons ainsi digitalisé 8 millions d’hectares.
Un autre atout, c’est l’automatisation du cahier de culture. Quand un tracteur connecté entre dans une parcelle, il est reconnu automatiquement : ses données sont enregistrées et l’agriculteur n’a plus qu’à valider pour générer un cahier de culture automatisé. Un outil pro et partageable, qui rassure la filière agroalimentaire et répond à ses exigences croissantes en matière de traçabilité et de fiabilité des données.
Je tiens à préciser que nous ne vendons jamais ces données issues du terrain : elles appartiennent aux agriculteurs. Nous signons une charte de respect total à ce sujet.
Pouvez-vous détailler l’intérêt concret, pour un agriculteur, d’avoir accès à toutes ces données ?
MC : Brutes, elles seraient difficiles à exploiter. Mais xFarm simplifie leur lecture grâce à ses modules d’aide à la décision. L’agriculteur peut notamment suivre trois indicateurs vitaux : irrigation, insectes, maladies. Des alertes visuelles par parcelle permettent d’agir rapidement quand un risque est caractérisé.
Côté irrigation, un plan prévisionnel est fourni chaque semaine, avec la possibilité de piloter les vannes, remonter le débit ou la pression. En 2025, nous allons encore plus loin grâce à l’imagerie satellite : des recommandations en irrigation journalière sont calculées d’après les besoins réels du végétal.
Le module insectes utilise un logiciel de reconnaissance qui compte les individus d’après les photos prises par les capteurs. Il croise cette donnée avec la météo, le stade phénologique, les températures… Nous pouvons ainsi estimer précisément les vols et leur développement.
Pour les maladies, un capteur mesure l’humectation foliaire. Cumulé au stade phénologique et à la température, cela permet d’évaluer automatiquement les risques de prolifération des spores, tels que le mildiou.
En croisant toutes ces données avec l’imagerie satellite, l’appli xFarm détecte facilement les écarts par rapport à une courbe de développement idéale. Le but : faire mieux avec moins, éviter les excès d’eau ou de traitements phytosanitaires. Pour préserver l’environnement, bien sûr, mais aussi pour réduire les coûts.
Peut-on alors parler de retour sur investissement ?
MC : L’investissement est faible comparé aux bénéfices. Un exemple : avec Ferrero en Italie, la filière noisette a économisé 25 à 30 % d’eau tout en maintenant les rendements.
Un autre exemple parlant : le kiwi. Une culture exigeante, avec un investissement autour de 80 000 €/ha et un système racinaire fragile. Grâce au monitoring précis permis par nos sondes, il devient possible d’éviter la sur-irrigation ou la sous-irrigation, et donc de protéger les rendements et la qualité.
Nos alertes antigel, très précises, offrent par ailleurs un retour sur investissement évident, en permettant d’intervenir juste à temps.
Et pour ceux qui doivent répondre aux attentes du scope 3 de la filière agroalimentaire, par exemple la société Barilla avec sa filière blé tendre, xFarm permet d’obtenir un bilan carbone automatisé. Grâce aux données collectées sur l’exploitation au quotidien.
Vos outils sont-ils adaptés au climat du Maroc et de la Méditerranée ?
MC : Absolument. Nos premiers marchés sont le sud de l’Espagne, de la France, de l’Italie, ainsi que la Grèce et la Turquie. Conditions extrêmes, sols complexes, accès à l’eau plus tendu… c’est là que l’agriculture de précision est la plus vitale. Le Maroc n’échappe pas à ces réalités, même si j’observe déjà un haut niveau de technicité.
Notre objectif, ce n’est pas de remplacer le savoir-faire agricole, mais de le valoriser. Les producteurs font déjà 80 % du travail. Nous, on est là pour les aider à aller chercher les 20 % qui permettent d’atteindre l’excellence.
Diriez-vous que vos solutions digitales s’adressent plutôt aux grosses exploitations ?
MC : Pas du tout. Beaucoup de petites structures nous rejoignent. Elles commencent souvent avec une simple sonde d’humidité, très abordable. Pour comprendre ce qui se passe sur une parcelle. L’appli est gratuite et immédiatement opérationnelle. La nouvelle génération d’agriculteurs s’y met facilement. Il faut dire que les outils sont devenus très fiables et intuitifs, et reçoivent un taux de satisfaction élevé.
Quels sont les développements à venir pour xFarm ?
MC : On avance grâce aux coopérations et aux besoins des utilisateurs. Nous sommes ouverts aux échanges. Dès qu’on a accès à de nouvelles données, on peut développer un module en 2 à 3 semaines, l’adapter aux réalités locales. Nous serions ravis d’accompagner les cultures d’avocats et d’amandiers au Maroc, par exemple.