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Agriculteur - ph : DR

Quand le regroupement des acteurs agricoles devient une stratégie pour affronter les défis du secteur

Dans un contexte où les pressions climatiques, économiques et sociales pèsent lourdement sur le secteur agricole à l’international, le regroupement des acteurs agricoles se révèle être une solution stratégique.

Mutualisation des ressources, renforcement des filières, et valorisation des produits : cette démarche pourrait transformer la manière dont les agriculteurs s’organisent pour relever les défis contemporains. En se basant sur des exemples concrets comme le projet Producto Cooperativo en Espagne ou le rapprochement entre les coopératives françaises Maïsadour et Euralis, il est pertinent de s’interroger quant à l’application de modèles similaires au Maroc, où le potentiel de regroupement reste largement inexploité.

Le projet Producto Cooperativo en Espagne : une vision collective et innovante

En Espagne, Producto Cooperativo est une initiative portée par Cooperativas Agro-alimentarias de España. L’objectif est clair : promouvoir les produits issus des coopératives agricoles à travers une marque nationale reconnue. Ce label vise à garantir la traçabilité, la qualité, et la durabilité des produits des coopératives adhérentes, répondant ainsi aux attentes des consommateurs.

Un acteur clé de ce regroupement est Anecoop, un géant de la production et de la commercialisation de fruits et légumes. Grâce à cette structure mutualisée, Anecoop réunit des dizaines de coopératives pour rationaliser les processus de production, de logistique et de commercialisation, tout en offrant aux producteurs une plateforme de visibilité à l’échelle internationale. En mettant en avant la durabilité sociale, économique et environnementale, ce projet contribue à renforcer la compétitivité des produits espagnols sur les marchés européens.

Maïsadour et Euralis veulent créer un géant coopératif du Sud-Ouest français

Ce modèle conduit à une mutualisation des ressources et profite au producteur agricole qui trouve des leviers de croissance

En France, le rapprochement entre les coopératives Maïsadour et Euralis illustre une autre approche du regroupement agricole. Cette fusion, prévue pour 2026, vise à constituer un acteur de poids dans le Sud-Ouest français, avec un chiffre d’affaires combiné de 3 milliards d’euros et plus de 9 000 employés. Ce regroupement stratégique permet la mutualisation des ressources humaines, industrielles et économiques tout en investissant dans des secteurs innovants tels que les énergies renouvelables et les circuits courts.

Pour les agriculteurs du Sud-Ouest, cette fusion offre une réponse concrète aux défis du secteur, comme l’impact du changement climatique et la concurrence accrue des marchés internationaux. Ce modèle prouve qu’une organisation collective peut non seulement protéger les intérêts des producteurs, mais aussi positionner les filières agricoles régionales dans une dynamique compétitive et durable.

Lire aussi : Fusion entre deux coopératives françaises ? L’une est présente au Maroc – AgriMaroc.ma

Ce modèle conduit certainement à une mutualisation des ressources et donc une réduction des postes salariés, mais elle profite essentiellement au producteur agricole qui trouve des leviers de croissance et de commercialisation de ses produits, tout en profitant d’une structure optimisée.

Le Maroc : une organisation encore fragmentée mais prometteuse

Au Maroc, le secteur agricole est marqué par une forte fragmentation des acteurs, avec des milliers de petits producteurs opérant souvent de manière individuelle. Si le pays compte des dizaines de milliers de coopératives agricoles (en 2020 on en dénombrait plus de 30 000 d’après les chiffres de Aujourd’hui.ma), leur structuration et leur intégration dans des regroupements efficaces restent en cours.

La stratégie nationale Génération Green 2020-2030 tente d’encourager l’agrégation des petits producteurs pour leur faciliter l’accès au marché et aux ressources. Des initiatives telles que les Groupements d’Intérêt Économique (GIE), particulièrement actifs dans les filières comme l’huile d’argan et les produits du terroir, témoignent d’une volonté de rapprochement. Cependant, ces structures ne représentent que les premiers pas d’un mouvement de regroupement plus ambitieux notamment pour les filières d’exportations.

Comment fonctionne l’agrégation ?

L’agrégation dans le domaine agricole est un modèle d’organisation visant à regrouper plusieurs acteurs, notamment des petits exploitants, autour d’un opérateur structuré (une entreprise, une coopérative ou une institution). Ce modèle repose sur une collaboration entre ces parties pour mutualiser les ressources, améliorer les pratiques agricoles, et maximiser les opportunités économiques. L’idée principale est d’améliorer l’efficacité et la compétitivité des petits agriculteurs tout en garantissant leur accès au marché.

L’agrégation se base sur des partenariats dans lesquels l’opérateur structuré joue un rôle central. Il peut fournir :

  • Des intrants : tels que des semences, des engrais ou des produits phytosanitaires.
  • Des services techniques : comme la formation, le conseil agricole ou des outils technologiques.
  • Un soutien logistique et commercial : incluant la collecte, le conditionnement, et la commercialisation des produits.

En échange, les petits agriculteurs s’engagent à respecter des normes de production spécifiques, souvent axées sur la qualité et la traçabilité.

Les avantages de l’agrégation

L’agrégation présente de nombreux bénéfices :

  • Accès aux marchés : Les petits producteurs, souvent exclus des circuits de grande distribution, peuvent écouler leurs produits plus facilement.
  • Amélioration des rendements : Grâce à l’accès aux intrants de qualité et aux techniques modernes.
  • Réduction des coûts : La mutualisation des ressources, notamment pour le transport ou l’équipement, permet des économies d’échelle.
  • Renforcement des compétences : Les agriculteurs bénéficient de formations et de transferts de savoir-faire.

Le Maroc a intégré le modèle d’agrégation dans le cadre de sa stratégie agricole, notamment à travers le Plan Maroc Vert (2008-2020) et la stratégie actuelle Génération Green 2020-2030. Par exemple, dans les filières des agrumes, des entreprises structurées collaborent avec des milliers d’agriculteurs en leur fournissant des intrants et en achetant leur production à des prix négociés.

Ce modèle vise à renforcer la résilience des petits agriculteurs face aux défis économiques et environnementaux tout en stimulant le développement local.

Les défis de l’agrégation

Cependant, l’agrégation peut présenter des limites :

  • Une dépendance accrue des petits producteurs vis-à-vis des opérateurs structurés.
  • Des risques liés au respect des normes imposées par les marchés internationaux.
  • La nécessité d’une coordination efficace pour garantir la transparence et l’équité.

L’agrégation est un levier stratégique pour moderniser l’agriculture et intégrer les petits producteurs dans les chaînes de valeur.

Quel intérêt pour les acteurs marocains à se regrouper ?

Si les modèles européens et notamment espagnols et français ont prouvé leur efficacité, leur application au contexte marocain pourrait présenter plusieurs avantages malgré les défis :

Renforcer la compétitivité : En structurant les filières agricoles, les coopératives marocaines pourraient mieux répondre aux exigences des marchés internationaux en termes de qualité, de traçabilité et de logistique.

  • Accroître les revenus des agriculteurs : Les économies d’échelle générées par le regroupement permettent de réduire les coûts de production, tout en augmentant la valeur ajoutée des produits.
  • Promouvoir la durabilité : Des pratiques agricoles collectives, intégrées dans des projets régionaux, pourraient mieux répondre aux contraintes climatiques et environnementales.
  • Améliorer l’accès à l’innovation : Les regroupements facilitent l’introduction de technologies modernes et l’accès à des financements, accélérant ainsi le développement des filières.

Pour mettre en œuvre cette dynamique, les professionnels au Maroc pourraient envisager la création de marques nationales pour les produits coopératifs, à l’image de Producto Cooperativo, ou promouvoir des fusions entre coopératives existantes dans les filières clés comme l’arboriculture ou le maraîchage.

Conclusion

Le regroupement des acteurs agricoles n’est pas qu’une simple tendance : c’est une nécessité stratégique pour répondre aux pressions économiques, climatiques et sociales qui pèsent sur le secteur agricole. Les exemples en Espagne et en France montrent que cette démarche permet non seulement de sécuriser les revenus des agriculteurs, mais aussi de positionner les filières dans une perspective durable et compétitive. Pour les producteurs marocains, investir dans des initiatives similaires représente une opportunité majeure pour transformer son secteur agricole, tout en assurant sa résilience et son rayonnement international.

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