Dans un contexte marqué par une pénurie croissante des ressources en eau, Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER), s’inquiète du manque de visibilité, après une entrevue publiée sur Les Inspirations ÉCO. Lors de cet entretien, il met en lumière les défis auxquels fait face le secteur agricole.
La question de l’eau est devenue cruciale pour l’agriculture marocaine, particulièrement dans les zones irriguées, où l’eau est nécessaire pour maintenir les cultures. Rachid Benali révèle que l’irrigation est suspendue dans de nombreux périmètres, et que les agriculteurs sont laissés dans l’incertitude totale. « Nous ne savons pas ce qui va se passer », confie-t-il, ajoutant que les lettres adressées au département de l’eau restent sans réponse. Cette situation paralyse la planification des cultures de betteraves, d’oignons et de pommes de terre, cultures essentielles pour les prochaines campagnes agricoles.
Le Maroc, qui recevait en moyenne 15 milliards de m³ d’eau par an, fait désormais face à une baisse drastique des apports, avec des volumes ne dépassant pas 5 milliards de m³ ces dernières années. Cette baisse a des répercussions directes sur la dotation pour l’agriculture, qui, selon Benali, oscille actuellement entre 600 et 800 millions de m³, bien loin des 2,4 milliards de m³ nécessaires. « Des arbitrages difficiles se font », déplore-t-il, notant que même dans des régions comme Moulouya, où des volumes importants sont stockés, la situation reste préoccupante.
Outre les difficultés liées à l’irrigation, le secteur agricole est également confronté à des fluctuations imprévisibles des prix. L’exemple de l’oignon est éloquent : vendu à moins de 1 dirham par l’agriculteur, il est écoulé entre 4 et 8 dirhams sur le marché. Un déséquilibre qui souligne les problèmes de structuration du marché, avec des intermédiaires captant une large part de la valeur ajoutée, au détriment des producteurs.
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Les produits de base, tels que les viandes rouges, sont également touchés par des hausses de prix constantes. Benali craint que cette situation, aggravée par la crise hydrique, n’entraîne des pertes encore plus sévères pour les agriculteurs dans les mois à venir, menaçant la production de semences pour la prochaine saison.
En marge du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), 19 contrats-programmes ont été signés pour moderniser les filières agricoles dans le cadre de la stratégie « Génération Green ». Toutefois, Rachid Benali note que la pandémie de Covid-19 a retardé leur mise en œuvre. Si une évaluation à mi-parcours est prévue pour 2025, un premier bilan devrait être dressé avant cette échéance pour évaluer les progrès réalisés.
Le constat actuel est sombre. « Le secteur souffre d’une manière incroyable », affirme Benali, notamment à cause de l’arrachage massif des arbres desséchés. Seules quelques filières, comme celle des fruits rouges, semblent mieux résister aux difficultés actuelles.
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Face à la multiplication des défis, certaines interprofessions agricoles traversent des crises internes. Bien que la COMADER n’intervienne pas directement dans la gestion de ces structures, elle veille à ce que celles-ci respectent les réglementations et tiennent leurs assemblées générales conformément aux textes en vigueur.