Almería, l’un des principaux pôles de production de poivrons en Espagne, fait face à une crise majeure provoquée par une épidémie de thrips du tabac (Thrips parvispinus), un ravageur qui affecte sérieusement la qualité, le volume et les coûts de la production locale. La coopérative Ejidomar, qui regroupe près de 180 producteurs dans la région, a tiré la sonnette d’alarme, auprès de Fruitnet, sur l’impact croissant de ce fléau.
Originaire d’Asie du Sud-Est, le thrips du tabac a été détecté pour la première fois en Espagne en 2017, dans des serres de plantes ornementales, avant de s’attaquer aux cultures de poivrons en 2023. Les conséquences de cette invasion sont lourdes. Selon Rafael Roldán, directeur commercial d’Ejidomar, certaines exploitations ont perdu des récoltes entières. Bien que cette coopérative ait réussi à éviter le pire, elle a dû vendre 25 % de sa récolte en classe II en raison de défauts sur la peau des poivrons.
Certaines exploitations ont perdu des récoltes entières
Le Collège officiel des ingénieurs techniques agricoles d’Almería (COITAAL) a rapidement réagi face à cette menace en publiant un guide pour identifier et contrôler le ravageur. Les experts avertissent que les dommages causés par les thrips du tabac peuvent être « dévastateurs ». Leurs attaques stoppent la croissance des plantes, provoquent la chute des bourgeons et des fleurs, et déforment les nouvelles pousses, compromettant ainsi toute la production.
Cette situation pose un défi supplémentaire pour les producteurs de la région, déjà soumis à des réglementations strictes de l’Union européenne sur l’utilisation des pesticides. En réponse, la lutte biologique a été adoptée massivement. Les producteurs d’Almería utilisent désormais des insectes prédateurs pour tenter de maîtriser les populations de thrips, une méthode plus respectueuse de l’environnement mais qui accroît considérablement les coûts de production. Roldán confirme que le recours à ces solutions biologiques est désormais un investissement incontournable pour les exploitants, aggravant une situation financière déjà tendue par la hausse des coûts des intrants tels que les engrais, le plastique des serres, l’emballage et la main-d’œuvre.
Outre ces contraintes, la pression sur la qualité des poivrons reste forte. Roldán a indiqué qu’Ejidomar est actuellement en discussion avec des détaillants britanniques pour adapter leurs exigences face à la situation, mais il ne s’attend pas à de grandes concessions à moins qu’une véritable pénurie de poivrons ne se produise.
Les producteurs sont engagés dans une lutte acharnée pour contenir cette épidémie. Des techniques telles que la solarisation du sol, recommandée par le COITAAL, sont mises en place pour limiter le cycle de reproduction des thrips, tout en veillant à ce que les serres restent exemptes de mauvaises herbes, qui servent de refuges aux insectes.
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Le poivron, culture emblématique d’Almería, est donc en danger, et la bataille contre les thrips du tabac s’annonce longue et coûteuse. Si les mesures actuelles semblent contenir partiellement l’infestation, les producteurs espèrent une meilleure coopération à l’échelle nationale et internationale pour freiner la propagation de ce fléau et préserver l’avenir d’une filière cruciale pour l’agriculture espagnole.