Alors que la saison des agrumes est en plein essor, un changement majeur semble se dessiner sur le marché international de l’orange. L’Égypte, autrefois considérée comme un acteur régional, est aujourd’hui en train de dépasser l’Espagne et même le Maroc, devenant une force incontournable grâce à des prix imbattables et une stratégie d’exportation agressive.
Les opérateurs européens du secteur des agrumes constatent une demande bien en deçà de leurs attentes. En Espagne, bien que les volumes d’oranges soient suffisants pour répondre à la demande, les petits calibres restent difficiles à écouler. Selon un opérateur espagnol, « le marché est à l’arrêt, non seulement pour les fruits espagnols, mais aussi pour ceux en provenance du Maroc et d’autres origines. »
Les causes de cette atonie sont multiples. Si le mauvais temps ou les fêtes de fin d’année sont souvent évoqués comme des excuses, il apparaît que la concurrence égyptienne joue un rôle crucial. Depuis début décembre, les exportateurs égyptiens ont intensifié leurs expéditions vers l’Europe, créant une attente fébrile quant à la réaction du marché aux premiers volumes de ces agrumes à bas prix.
La montée en puissance de l’Égypte ne doit rien au hasard. En investissant massivement dans la transformation du désert en terres agricoles, le pays a considérablement augmenté sa production d’oranges, notamment de la variété Valencia, prisée tant pour la consommation que pour la transformation en jus. Les exportateurs égyptiens se montrent également très compétitifs sur les prix, soutenus par des groupes d’investissement cherchant à capter des devises étrangères.
L’un des facteurs clés de cette compétitivité réside dans le coût de la main-d’œuvre, bien inférieur à celui des pays européens ou du Maroc. En conséquence, ni l’Espagne ni le Maroc ne parviennent à rivaliser avec l’Égypte sur ce terrain. Cette situation a conduit certains opérateurs européens à anticiper une année encore plus difficile pour les producteurs espagnols, après une saison 2023 déjà morose.
Outre l’Europe, l’Égypte diversifie ses débouchés, visant des marchés éloignés tels que le Brésil, le Canada ou encore l’Asie. « Les exportateurs égyptiens sont très optimistes quant aux opportunités sur ces marchés, en dépit des contraintes logistiques liées à la mer Rouge », souligne un expert du secteur. Cette expansion vers de nouvelles destinations témoigne d’une stratégie globale qui pourrait redéfinir les flux mondiaux d’agrumes.
Un autre élément qui renforce la position de l’Égypte est le développement de son industrie de transformation. Sept nouvelles usines de production de concentré d’orange sont en construction, une réponse directe à la baisse de la production au Brésil et en Floride, deux géants du secteur touchés par le HLB (Huanglongbing, ou maladie du dragon jaune). Ce virage industriel pourrait réduire les volumes d’oranges exportés vers les usines européennes, concentrant davantage de production en Égypte même.
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Si l’Égypte semble avoir trouvé la recette du succès, le reste du marché se trouve dans une position délicate. L’Espagne, bien que leader historique en Europe, devra s’adapter rapidement pour rester compétitive. Pour sa part, le Maroc, autrefois vu comme un challenger, se trouve également dépassé par la montée en puissance égyptienne.
L’incertitude plane désormais sur l’avenir des producteurs européens, qui pourraient être contraints de repenser leurs modèles de production et d’exportation. Mais une chose est sûre : l’Égypte est désormais un acteur majeur, déterminé à imposer sa marque sur le marché mondial des agrumes.