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Wafae Kirat : « Les agricultrices de Berkane appellent à l’aide.»

Face à une situation précaire, les agricultrices de Berkane appellent à l’aide.

Les agricultrices de la région de Berkane se trouvent dans une situation de précarité aigüe et dans un désespoir profond, suite aux catastrophes économiques qu’a subi l’agriculture dans la région. La présidente de l’Association de la femme agricultrice de l’Oriental, Wafae Kirat, a fait appel à AgriMaroc.ma pour parler de la situation. 

AgriMaroc.ma : Quelle est la situation actuelle des femmes agricultrices à Berkane ? Quel est le niveau de précarité ?
Wafae Kirat :
Tout d’abord, la région de Berkane souffre d’une absence de soutien. C’est une région vraiment Wafae-Kirat-agricultrices-Berkane-appellent-aidedélaissée. Les femmes qui ont de petits projets comme l’élevage de lapins, bovins, abeilles ou autres, doivent être encadrées et bénéficier de formations afin par exemple de mieux maitriser les conditions d’élevage des lapins, pour mieux connaitre les maladies ou bien d’autres informations qui les aideraient à réussir leur projet. D’ailleurs pour moi il y a une absence totale de suivi de l’Office Régional de Mise en Valeurs Agricoles (ORMVA) par exemple, c’est un organe qui ne joue pas son rôle.

Pour être claire et donner un exemple concret: la production des agrumes dans la région. Les agricultrices ont subi des dégâts catastrophiques la campagne précédente car l’offre a dépassé largement la demande, la commercialisation a été défaillante et ce sont à la fin les petits agriculteurs qui ne vendent pas leurs productions. De plus, il y a eu des problèmes de pourriture des agrumes en raison de la durée du stockage, anormalement longue. A souligner enfin que depuis 45 jours, les agricultrices souffrent du manque d’eau pour irriguer les terres agricoles en raison de la sécheresse des barrages de la région : les récoltes ne vont pas supporter l’absence d’eau très longtemps. C’est une réelle catastrophe. La pastèque connait tout autant de problèmes.

« la campagne (agrumicole) a été catastrophique, l’offre a dépassé largement la demande, la commercialisation a été défaillante»

Nous avons tenu des réunions avec le gouverneur de Berkane et le directeur régional de l’ORMVA, afin d’avoir des indemnisations, mais nous n’avons rien obtenu. La région de l’Oriental est privée de compensations contrairement aux autres régions du Royaume touchés qui, elles ont reçu des indemnisations de l’Etat.

Les femmes agricultrices de la région doivent donc réaliser des emprunts bancaires pour financer leurs projets et travaillent en permanence, tout au long de l’année, dans l’espoir de réaliser des bénéfices afin de pouvoir rembourser leur crédit. Mais en fin de compte, alors qu’elles arrivent difficilement à produire, elles ont encore plus de difficultés lors de la phase de commercialisation sur le marché national.

En outre, nous sommes presque isolées du monde, tout ce qui est nouveau dans le monde de l’agriculture, on ne le connait pas. Seules les régions de l’Ouest et les autres grandes régions sont informées des nouveautés. C’est vraiment dommage car la région dispose d’un réel potentiel.

Dernier exemple, les apicultrices, elles n’arrivent pas elles non plus à commercialiser leurs produits. Elles adoptent juste les techniques traditionnelles de vente, ce qui explique des bénéfices médiocres, malgré la très bonne qualité de leurs produits. Nous demandons qu’une solution soit trouvée pour ce problème de commercialisation, un soutien déjà avec un espace spécial pour vendre nos produits, soit dans la chambre d’agriculture, soit en centre-ville, afin de toucher un grand nombre de consommateurs, et ce, pour les apicultrices comme pour les productrices des fromages ou plantes médicinales.

AgriMaroc.ma : D’où vient le problème qui semble d’après-vous spécifique à la région ?
Wafae Kirat :
Dans la région, nous avons un manque de coopératives et de représentants des agriculteurs pour défendre nos revendications. Nous avons la sensation d’être livrés à nous-même. L’association régionale pour l’agriculture féminine dans l’Oriental est la seule dans la région pour défendre les droits de la femme rurale, elle a été créée en 2014 mais doit être soutenue.

L’absence d’encadrement est une responsabilité de l’ORMVA, c’est à elle d’envoyer sur le terrain des ingénieurs agronomes et des encadrants en mesure de répondre aux questions des agriculteurs, et de les former afin d’avoir de bonnes connaissances par exemple sur les engrais à utiliser, les différents types de sol et autres. C’est ces besoins basiques dont nous avons besoin dès aujourd’hui.

« Nous espérons toucher monsieur le ministre Aziz Akhannouch à travers votre support, nous voulons juste être entendues et trouver des solutions ensemble »

AgriMaroc.ma : Quelles démarches avez-vous entreprises pour régler la situation ? Qui avez-vous contacté ?
Wafae Kirat :
Nous avons demandé à rencontrer les directeurs des banques, l’ancien gouverneur de Berkane et le directeur de l’ORMVA, mais nous n’avons reçu aucune réponse. Nous avons pu communiquer avec le directeur régional de la chambre d’agriculture d’Oujda qui nous a informé qu’il s’agissait de la responsabilité du Ministère de l’agriculture, des pêches, du développement rural, des eaux et des forêts. Nous avons fait plusieurs manifestations, mais toujours pas de retour et maintenant nous essayons de contacter le ministère dans l’espoir de trouver des solutions pour réduire cette crise, qui a épuisé la femme rurale. Nous espérons toucher monsieur le ministre Aziz Akhannouch à travers votre support, nous voulons juste être entendues et trouver des solutions ensemble.

Je précise que jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons reçu aucun soutien. Je travaille avec mes propres moyens, et les contributions de trois femmes de la région en raison du manque de ressources financières.

AgriMaroc.ma : Quelles sont vos attentes suite à ces démarches ?
Wafae Kirat :
Nous avons rencontré le directeur du l’Office régional pour exiger une réduction des taux d’intérêt sur l’eau, mais il nous a dit que ce n’était pas dans ses pouvoirs. Le seul espoir que nous avons aujourd’hui est le ministère de l’Agriculture. Nous espérons avoir une réponse bientôt car la saison des agrumes approche. Nous attendons de l’aide et une amélioration des conditions de travail afin qu’il n’y ait pas de pertes cette année. Si nous atteignons nos objectifs, cela va participer au développement de la région et de l’économie nationale du pays, surtout que la région de Berkane dépend principalement de l’agriculture et encore une fois son potentiel est exceptionnel.

« des producteurs d’agrumes qui ont entre 10 ou 20 hectares, décident d’arracher les arbres qui ont pourtant plus de 40 ans »

AgriMaroc.ma : Quel est le message que vous souhaitez transmettre à travers cette interview avec AgriMaroc.ma ?
Wafae Kirat :
Nous espérons à travers cette interview que les réclamations des femmes rurales dans la province de Berkane arrivent au ministère de l’Agriculture avec qui nous espérons un échange constructif. Beaucoup d’exploitants vivent dans des conditions financières difficiles, en particulier les producteurs d’agrumes, qui parfois ont entre 10 ou 20 hectares, dont beaucoup décident d’arracher les arbres qui ont pourtant plus de 40 ans afin d’essayer de nouvelles cultures dans l’espoir qu’ils puissent faire des profits, gagner leur vie et faire vivre leur famille.

AgriMaroc.ma : Comment les agricultrices de la région de Berkane peuvent-elles rejoindre votre association ?
Wafae Kirat :
Nous avons demandé un local dans la chambre d’agriculture de Berkane, mais le conseil doit se réunir pour voter. En attendant, les réunions se font chez moi à la maison. Ceux qui veulent nous joindre, nous sommes sur le Boulevard de Chefchaouen, Quartier  El Houda à Berkane.

Pour finir merci à AgriMaroc.ma, vous êtes le seul média agricole avec une dimension nationale qui donne vraiment la parole à tous les agriculteurs, aux petits comme aux grands et nous en avons besoin, donc merci.

Merci à Madame Wafae Kirat. Propos recueillis.

* Ce contenu est la propriété d’AgriMaroc.ma. Toute demande de reproduction, partielle ou complète doit être formulée à [email protected]

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2 commentaires

  1. Thank you for your article

  2. Grande appréciation et remerciement des Agricultrices de Berkane et région

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