La ministre de l’Agriculture française, Annie Genevard, a dénoncé mercredi des restrictions « excessives » sur l’usage de certains pesticides, qu’elle considère pénalisantes pour la compétitivité de l’agriculture française. S’exprimant devant la commission des Affaires économiques du Sénat français, Mme Genevard a vivement critiqué ce qu’elle appelle une « surtransposition » des règles européennes en matière de phytosanitaires, qu’elle juge « irresponsable » et dommageable pour plusieurs filières.
Face aux sénateurs français, Annie Genevard a déploré les conséquences de certaines décisions législatives nationales, notamment celles adoptées à l’Assemblée nationale, qu’elle estime aller bien au-delà des directives européennes. Ces choix, selon elle, alourdissent les contraintes des agriculteurs français, les désavantageant face à leurs concurrents européens qui, eux, peuvent continuer à utiliser certains produits phytosanitaires. « Certaines décisions prises au Parlement ont été irresponsables dans les conséquences qu’elles ont portées », a-t-elle affirmé.
Cette déclaration répondait à une question du sénateur Laurent Duplomb (LR), qui a récemment proposé une initiative visant à alléger ces restrictions, et ce, afin de lever des « entraves » pesant sur la production agricole. Dans son projet, il appelle également à faciliter les promotions sur les produits phytopharmaceutiques et à assouplir les réglementations pour la construction de réserves d’eau.
Annie Genevard a particulièrement souligné le cas de la filière des noisettes, sévèrement touchée par les réglementations actuelles. En l’absence de produits autorisés pour traiter les vergers, les producteurs français subissent des pertes importantes, alors que leurs concurrents européens bénéficient de traitements autorisés. « La situation de certaines filières, franchement, fend le cœur », a-t-elle déclaré, évoquant notamment les producteurs de noisettes confrontés à un ver ravageur qui a détruit plus de la moitié des récoltes en 2023.
Les cultivateurs de cerises ne sont pas en reste. La ministre a expliqué que les restrictions, adoptées trois ans avant leur mise en place dans d’autres pays européens, ont fragilisé cette production, rendant difficile la survie de nombreuses exploitations. « Chaque fois que je rencontre un producteur de cerises, il me parle de ça », a confié Mme Genevard.
Les critiques de la ministre rejoignent celles du leader français de la production de noisettes, la coopérative Unicoque. En octobre, son directeur, Jean-Luc Reigne, a dénoncé une politique « phytosanitaire ultrarestrictive », alors que la filière subit les effets d’un parasite dévastateur. Il souligne également le manque de compétitivité des noisettes françaises, avec 95 % des noisettes vendues dans le pays provenant désormais de Turquie, d’Amérique et d’Italie, où les producteurs ne sont pas soumis aux mêmes restrictions.
La loi sur la biodiversité de 2016 a interdit l’usage de néonicotinoïdes en France, substances longtemps utilisées pour protéger les cultures contre les insectes ravageurs. Cette interdiction, qui concerne également des substances comme l’acétamipride, jugées nuisibles aux abeilles, place la France en avance par rapport à la réglementation européenne. Cependant, les critiques montent sur le fait que ces mesures, censées préserver la biodiversité, mettent à mal la compétitivité des filières agricoles nationales.
Lire aussi : Une enseigne française veut réduire ses achats de fraises étrangères
Face à ces plaintes et à la pression du monde agricole, Annie Genevard a prévenu qu’un réexamen des restrictions pourrait être nécessaire. La ministre a en effet évoqué l’idée de revenir sur les surtranspositions et d’envisager un assouplissement des règles, non seulement sur les pesticides, mais aussi sur les installations de protection de l’environnement et les ressources en eau.
La question des pesticides et des surtranspositions reste donc un dossier sensible en France, mettant en balance la préservation de la biodiversité et la compétitivité de l’agriculture française.