La contrebande sur le marché des épices: droits de douane et risques sanitaires.
La filière des épices souffre depuis plusieurs années maintenant du marché de la contrebande. Les acteurs appellent à une baisse des droits de douane pour contrer le phénomène et alarment le consommateur quant aux risques engendrés.
«Nous ne disposons pas de statistiques pour mesurer l’ampleur du phénomène, mais la situation est sombre sur le marché des épices à cause de la contrebande», explique Benchaib Ghallab, président de l’Association Interprofessionnelle marocaine des importateurs et des exportateurs des céréales, des légumineuses et des épices (Aimexicle). La Fédération des industries de la conserve des produits agricoles au Maroc (Ficopam) estime le marché de la contrebande à 30 000 tonnes soit une valeur de 2 milliards de dirhams. Benchaib Ghallab les estime à 50 000 tonnes, indique La Vie Eco.
Les épices les plus chères, à savoir le poivre, la cannelle, le gingembre et le curcuma, seraient les plus prisées sur le marché noir. «Le cumin est touché à hauteur de près de la moitié par ce phénomène. Le gingembre, lui, l’est à 60%. Le poivre demeure la variété la plus impactée à plus de 80%», souligne le président de l’Aimexicle. Sebta et Melillia seraient les épicentres de la contrebande d’épices.
Les droits de douane mis en cause
Selon les acteurs de la filière des épices, le niveau élevé des droits de douane serait la cause première de la contrebande, variant de 2,5% pour le cumin, la coriandre ou le gingembre jusqu’à 25% pour le poivre. A cela s’ajoute les 20% de TVA ce qui induit un taux global avoisinant les 40%. Ces droits de douane sont si élevés que la contrebande explose depuis maintenant plusieurs années.
«Suite à la flambée des prix des lentilles qu’a connu le marché l’année dernière, le gouvernement avait suspendu les droits de douane. Depuis l’entrée en vigueur de cette décision et jusqu’à l’heure où je vous parle, la contrebande a été pratiquement étouffée», explique M. Benchaib.
Avec une baisse, voir une suspension des droits de douane, le marché de la contrebande serait éradiqué ou, au moins, minimisé ce qui favoriserait les acteurs légitimes. «Nous avons tenté à maintes reprises de mobiliser la tutelle, mais rien n’y fait», précise-t-il.
La santé du consommateur en jeu
Outre le manque à gagner provoqué par le marché noir, les risques sanitaires sont également un facteur à ne pas négliger. Driss Terrab, un routier présidant la section épices et plantes aromatiques à la Ficopam dénonce les pratiques frauduleuses de transformation des épices et ses risques sur la santé du consommateur.
«Il y a pas mal de cas ayant fait l’objet de poursuites judiciaires. Des matières toxiques sont parfois utilisées en guise d’additifs et de colorants, tandis que d’autres fraudeurs ne respectent pas les spécifications physiques et chimiques de certaines matières comme par exemple le pourcentage d’huile à ne pas dépasser», s’indigne-t-il.
Selon Monsieur Terrab, ce fléau serait dû au fait que les épices sont vendues en vrac. En effet, cela incite les fraudeurs à transformer la matière première comme bon leur semble. Seulement 5% à 6% des épices seraient emballées et bénéficieraient d’une traçabilité du processus de transformation. C’est pour cette raison que la Ficopam, en plus de la baisse des droits de douane, demande la généralisation des emballages.
«Pour ce qui est de la transformation, autorités et professionnels doivent au moins faire en sorte qu’il y ait une reprise. Rien que dans les années 80, on comptait 22 marques et 2 unités dans le créneau du piment rouge, aujourd’hui cette niche a presque disparu», conclut-il.