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La production de pommes est sous la menace du changement climatique

La mort du mulet de la famille est derrière mon succès professionnel

Notre narrateur nous raconte l’histoire d’un simple berger qui rencontre le succès et devient un bon entrepreneur du secteur agricole.

Il s’agit d’une histoire véridique que je partage avec vous juste après une longue discussion autour d’un thé avec un montagnard qui m’a raconté quelques épisodes de sa vie. Il est non seulement intelligent mais également très optimiste et d’une gentillesse exceptionnelle.

Haddou ou Said a quitté l’école au CM1 en 1982. Il aidait son père dans les travaux agricoles et parfois il conduisait leur petit troupeau de chèvres et de moutons dans les pâturages  du Haut Atlas Oriental. Il accompagnait souvent son père vendre des chevreaux au souk de Rich (une petite ville relevant de la province de Midelt).

Comme les garçons de son âge ayant quitté les bancs de l’école, il assurait correctement les tâches qui lui sont accordées par son père. Un jour d’automne, il est allé chercher du bois en montagne pour se préparer aux nuits glaciales de l’hiver.

Le mulet avait succombé à ses blessures.

Au lever du jour, Haddou a déjà parcouru presque le quart du chemin reliant son douar au lieu où se trouvent des bois gisants provenant d’arbres déracinés, brisés ou abattus. Une fois le bois coupé par sa hache, Haddou assurait son  chargement  sur le dos du mulet. Il reprend son chemin et se hâte pour arriver chez lui avant le coucher du soleil.

A mi-chemin, le mulet glissa et tomba au fond d’un ravin pierreux et escarpé. Arrivant difficilement à descendre en bas de la falaise, il remarqua que  le mulet avait succombé à ses blessures.

Haddou pleura son mulet et continua son chemin vers le douar. Le soir, il prit son sac et se dirigea vers son son oncle passer la nuit pour éviter de voir son père. Le lendemain, très tôt le matin, Haddou quitta le village, bredouille, à destination de Rich en parcourant 10km à pieds en vue de faire de l’auto stop au bord de la route.

Ne disposant que de sa force de travail, Haddou trouve rapidement du travail dans un chantier de construction de bâtiments. Après une vingtaine de jours il  quitte Rich avec un groupe de jeunes de son âge à destination d’Elhoceima. Exerçant toujours comme ouvrier dans des chantiers, il y passe 10 mois au sein des Rifains avec qui il a de bonnes relations de voisinage. Il a oublié son douar et s’est habitué à un autre mode de vie.

La fête de l’Aid Al Adha s’approche. Il doit absolument rejoindre sa famille comme des milliers d’ouvriers du sud-est du Maroc considérés comme les maîtres des travaux de construction de bâtiments  à Elhosseima. Après toute une nuit de voyage, Ĥaddou arrive à Rich un lundi matin, le jour du souk hebdomadaire. Il se dirige au marché des animaux domestiques où il achète un jeune mulet en très bon état sanitaire. Il s’approvisionne bien en fruits et légumes et se dirige  vers son douar à dos de mulet.

« Voici un bon mulet pour toi papa et toutes mes excuses pour en avoir privé ma famille toute une année « . C’était la parole que Haddou adressa à son père en rentrant chez lui. Tous les membres de la famille l’embrassent fortement avec les larmes des retrouvailles qui  se mêlent aux larmes de joie apportées à la famille par l’achat d’un nouveau mulet.

Après une quinzaine de jours passée avec sa famille, Haddou reprend son travail aux chantiers d’Elhoceima. Son intelligence lui permet de de devenir ouvrier spécialisé dans la construction de bâtiments.

Après quelques années il commence à faire recours à la sous- traitance avec des grandes entreprises de construction.

L’absence de Haddou pendant une année ne plaît pas à sa maman qui a fini par le convaincre de se marier et de chercher du travail à Rich ou à Midelt. Haddou ne veut pas quitter le Nord du Maroc mais il garde toujours à l’esprit l’obéissance des parents qui figure parmi les valeurs nobles et sacrées des Amazighes du Haut Atlas Oriental.

Haddou commercialise des pommes à Berkane, Oujda …

Il se lance de nouveau dans le bâtiment et autres travaux divers. Il a également investi dans le commerce en achetant des pommes sur pieds auprès des agriculteurs des zones de montagne de Midelt en créant de l’emploi pour son frère et plusieurs jeunes de son Douar. En plus du stockage de pommes dans des unités de conditionnement et de stockage, Haddou assure en ce moment la commercialisation des pommes à Berkane, Oujda et Elhosseima.

Mon entretien d’avant-hier avec Haddou me laisse à penser qu’un simple incident permet en plus de l’intelligence des montagnards de changer le destin  d’une personne d’un simple berger à un bon entrepreneur à succès.

Rich le 22 septembre 2023
Hrou ABOUCHRIF
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