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La Commissaire de l’agriculture de l’UA souligne les avancées du Maroc et sa vision pour l’Afrique

La souveraineté alimentaire n’est plus une option pour l’Afrique, mais plutôt la voie à suivre, dans l’objectif de répondre aux besoins du citoyen africain par les propres ressources du continent, notamment face à un contexte multi-crises ayant exacerbé davantage les vulnérabilités préexistantes.

Dans ce sens, la Commissaire du département de l’agriculture, développement rural, de l’économie bleue et du développement durable à l’Union Africaine (UA), Josefa Leonel Correia Sacko, a accordé une interview à la MAP, dans laquelle elle dresse un état des lieux de la souveraineté alimentaire en Afrique, en mettant l’accent sur les moyens pour les pays africains pour l’atteindre citant à titre d’exemple la stratégie marocaine “Generation Green”.

Quel état des lieux faites-vous de la souveraineté alimentaire de l’Afrique ?
Josefa Leonel Correia Sacko :
La souveraineté alimentaire peut être vaguement définie comme le droit des peuples à une alimentation suffisante, nutritive, saine et culturellement acceptée, produite par des pratiques écologiquement rationnelles.

L’Afrique reste le continent le plus touché par l’insécurité alimentaire au monde. En 2021, on estime que 278 millions de personnes en Afrique, soit 20 % de la population, étaient sous alimentées, soit une augmentation de 50 millions de personnes en deux ans à peine en raison des conflits, des chocs économiques, des changements climatiques, et de la flambée des prix des engrais créant une crise alimentaire d’une ampleur sans précédent.

Les leçons de la pandémie et de la crise russo-ukrainienne, les deux dernières crises qui ont exacerbé les vulnérabilités préexistantes de l’Afrique, font que la souveraineté alimentaire n’est plus une option mais la voie à suivre en Afrique.

Le Covid a en effet perturbé les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales et la guerre en Ukraine, qui en est à sa deuxième année, a entraîné de fortes augmentations des prix des céréales et des engrais, culminant à l’incapacité d’un plus grand nombre d’Africains à se procurer des aliments nutritifs et augmentant l’insécurité alimentaire.

De plus, l’Afrique dépense environ 43 milliards de dollars américains chaque année, ce qu’elle peut difficilement se permettre d’importer de la nourriture du reste du monde et il est prévu que ce montant pourrait atteindre 115 milliards de dollars américains d’ici 2025.

C’est pour cela que nous devons tirer parti de la propriété de 60% des terres arables non cultivées du monde, d’une population jeune, de vastes ressources aquatiques et de la zone de libre-échange continentale africaine, pour nourrir les 2 milliards d’Africains d’ici 2050 et devenir le grenier du monde.

Quels sont les moyens à déployer pour assurer la sécurité alimentaire du continent ?
Josefa Leonel Correia Sacko :
Investir dans l’augmentation de la productivité agricole, soutenir les infrastructures de commercialisation et de distribution, intensifier l’adoption de systèmes agricoles intelligents face au climat avec des investissements du secteur privé tout au long de la chaîne de valeur alimentaire, pourra garantir la sécurité alimentaire et transformer l’Afrique en “un grenier pour le monde”.

Par exemple, l’amélioration des variétés de graines, des engrais et l’accès à d’autres intrants tels que les machines, l’irrigation,  la numérisation ainsi qu’une meilleure utilisation des technologies de l’information pourraient contribuer à accroître la productivité agricole en Afrique.

En outre, notre approche pour y réussir consiste actuellement à aider les États membres de I’UA et les communautés économiques régionales à concevoir des plans d’investissement agricoles nationaux et régionaux qui intègrent, les priorités du plan d’affaires de Malabo du PDDAA de l’UA: 2022-2025, les recommandations du rapport d’examen biennal du PDDAA 2021, et les voies de la position commune africaine sur le sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires en 2021.

Afin d’améliorer la productivité de l’agriculture africaine, l’UA organise le Sommet africain sur les engrais et la santé des sols, plus tard cette année.

L’objectif principal du Sommet est que les chefs d’État et de gouvernement africains adoptent le Plan d’action décennal pour les engrais et la santé des sols en Afrique. Le plan d’action comprend des stratégies pour augmenter la production et l’application d’engrais de la moyenne actuelle de 18 kg par hectare aux 50 kg/ha qui étaient au sommet d’Abuja en 2006.

Le plan d’action propose également des stratégies pour améliorer la santé des sols pour une application efficace des engrais.

Que pensez-vous de la stratégie Génération Green adoptée par le Maroc ? Quid de son rôle pour garantir la souveraineté alimentaire du pays?
Josefa Leonel Correia Sacko :  La Stratégie “Génération Green” 2020-2030, lancée par SM le Roi Mohammed VI en février 2020 offre une voie claire vers la création d’emplois et l’augmentation des opportunités économiques dans les zones rurales relativement plus défavorisées du Maroc.

Elle s’inspire largement des leçons que le Maroc a tirées du Plan Maroc Vert (PMV), pour soutenir la croissance et la compétitivité du secteur agricole, à la faveur d’une croissance inclusive et du renforcement de la résilience du secteur à la volatilité des conditions météorologiques et au changement climatique.

En mettant davantage l’accent sur la sécurité d’une classe agricole rurale, en promouvant le développement social et en accélérant la transition vers une agriculture plus résiliente au climat initiée dans le cadre du PMV, “Generation Green” met en exergue la croissance de la classe moyenne dans les zones rurales, la création d’emplois pour les jeunes, et le renforcement du capital humain et des compétences pour faciliter une meilleure productivité, l’emploi et la mobilité de la main-d’œuvre.

La stratégie répond à la crise provoquée par la pandémie, ainsi que les contraintes structurelles à plus long terme dans le secteur agricole, telles que la question des sécheresses récurrentes.

Je trouve que cette stratégie est très pertinente pour d’autres pays africains étant donné que l’Afrique a la population la plus jeune du monde. Les jeunes doivent profiter des opportunités offertes par l’agriculture et l’agro-industrie, qui devraient représenter une entreprise d’un milliard de dollars d’ici 2030. Étant donné que l’agriculture africaine est également principalement pluviale et donc très vulnérable à l’impact du changement climatique, nous devons intensifier l’agriculture intelligente face au climat, du type proposé par ladite stratégie.

Que pensez-vous de la participation africaine au Salon international de l’agriculture au Maroc et du rôle de l’initiative “AAA” pour l’Afrique ?
Josefa Leonel Correia Sacko :  Premièrement, je voudrais adresser à SM le Roi Mohammed VI nos remerciements pour l’intérêt qu’il porte au secteur agricole et pour avoir permis la réouverture du SIAM après les deux chocs mondiaux.

Je tiens à exprimer à Sa Majesté le Roi notre satisfaction pour l’accueil chaleureux que nous avons reçu lors de notre séjour dans cette ville historique de Meknès. Je remercie également le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, Mohamed Sadiki, de nous avoir invités à participer au 15ème SIAM.

Je pense que cette 15ème édition du SIAM a été un succès incontestable. J’espère que nous pourrons développer encore plus ce type d’initiative pour englober non seulement plus de pays africains, mais aussi pour garantir que les équipes techniques de ces pays ont une consultation et une collaboration plus étroites avant l’événement.

De plus, nous comptons sur l’initiative “AAA” (Adaptation de l’Agriculture Africaine) pour renforcer la capacité scientifique et technologique de l’Afrique à répondre à l’impact du changement climatique sur l’agriculture.

C’est ce type de stratégie et d’initiative comme celle de l’AAA que tout le continent doit utiliser pour avancer vers un avenir sûr et adapté face au changement climatique.

Nous attendons avec impatience la collaboration du Maroc avec mon Département pour pouvoir attirer davantage de partenaires pour intensifier le financement du secteur agricole et aussi diffuser les bonnes pratiques.

À titre d’exemple, mon département facilite actuellement le suivi et l’évaluation du mécanisme de production alimentaire d’urgence de 1,5 milliard de dollars américains de la Banque africaine de développement, mis en place pour atténuer l’impact de la crise russo-ukrainienne au cours des quatre prochaines saisons de plantation, et le Maroc en est un bénéficiaire. Très prochainement, nous nous rendrons au Maroc pour évaluer les performances de l’installation afin de tirer les leçons utiles qui profiteront à tous les pays africains.

MAP
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