Clémentine en danger, son acidité est menacée par le réchauffement climatrique.
Consommée de novembre à fin janvier, la clémentine est le fruit star de la saison mais son acidité si particulière est menacée par le réchauffement climatique. Pour la protéger, les chercheurs de la station expérimentale de l’Inra en Corse étudient la génétique, l’agronomie et les mécanismes biologiques en œuvre dans l’élaboration de l’acidité.
Fuit du hasard, née de l’union d’une fleur de mandarinier et d’oranger, la clémentine se distingue de la mandarine par la très faible présence de pépins et par son côté plus acidulé. Cette acidité est recherchée ; l’appellation d’origine protégée Clémentines Corses nécessite même que les fruits aient une acidité supérieure au minimum réglementaire exigé, pour pouvoir être commercialisés sous ce nom ! « L’acidité est un support aromatique ; notre bouche perçoit beaucoup mieux les arômes lorsque le fruit n’est pas trop sucré. Plus on a de sucre dans un aliment, moins on en sent l’arôme », explique Olivier Pailly, directeur de l’unité de recherche sur les agrumes de l’Inra. Avec son équipe de la station expérimentale de San Giuliano de Corse où plus de 70 variétés de clémentines parmi les 1 100 espèces et variétés d’agrumes sont conservées, il décode les mécanismes de création et de destruction de l’acidité dans les agrumes.
Olivier Pailly détaille : « Rois de l’accumulation des acides, les agrumes stockent dans leurs cellules des sacs à jus très acides qui peuvent atteindre un pH extrêmement bas de 2,2 à 2,3 : une graduation dans l’échelle des pH veut dire que la solution est 10 fois ou 10 fois moins acide. Le pH du cytoplasme des cellules est proche de la neutralité (pH7) soit 100 000 fois moins acide ! Si ces sacs éclataient, ils entraîneraient la mort de la cellule ! Tout au long de sa croissance et jusqu’à fin août, la clémentine accumule cette acidité qu’elle consommera ensuite partiellement avant sa maturation complète. »
Une agronomie protectrice d’acidité
Mais, depuis une dizaine d’années, les chercheurs relèvent une diminution de l’acidité des clémentines : « le réchauffement climatique a un réel impact sur les clémentines qui perdent en couleurs et en acidité». En se penchant sur les mécanismes de la photosynthèse et de la respiration du fruit, les scientifiques se sont aperçus que les hausses des températures pendant la maturation du fruit, en automne, au moment où la lumière – nécessaire à la photosynthèse – baisse, accélèrent la respiration du fruit et entraînent une surconsommation d’énergie. Le fruit en vient alors à puiser dans ses réserves d’acide citrique.
Les chercheurs explorent la cellule, les gènes aussi ; « nous « revisitons » des résultats d’essais de variétés de clémentines dans le monde entier qui avaient été mis en place à l’initiative des chercheurs de San Giuliano, depuis plus de 40 ans parfois, dans la cadre de partenariats internationaux pour dénicher (entres autres) des variétés plus acides et tardives. Si les changements climatiques s’accentuent nous serons alors capables de proposer plus rapidement des variétés plus adaptées » explique Olivier Pailly. L’équipe étudie également l’influence des pratiques des arboriculteurs sur l’acidité de leurs fruits. « On se rend compte que les vergers en agriculture biologique produisent des fruits plus acides, que certaines fertilisations potassiques favorisent l’acidité, que l’irrigation a aussi un impact très important…
Depuis cette année, nous réalisons, en collaboration avec nos collègues du département « Sciences pour l’Action et le Développement » de l’unité de Recherche de Corte, un diagnostic agronomique régional sur plus d’une vingtaine de parcelles de clémentiniers de l’AOP Clémentines Corses. Nous analysons le sol, le climat, les techniques de l’arboriculteur… et l’acidité finale des fruits pour comprendre les leviers agronomiques pour mieux maîtriser l’acidité des fruits. »
Source: INRA et crédit photo: DR