L’Industrie agroalimentaire à la croisée des chemins pour zssurer la souveraineté alimentaire.
La pandémie mondiale de Covid-19 ainsi que le conflit entre la Russie et l’Ukraine ont profondément perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, mettant en évidence la question cruciale de la sécurité alimentaire. Ce défi est particulièrement préoccupant en Afrique, où de nombreux pays sont des producteurs et exportateurs importants de matières premières agricoles.
Au Maroc, l’Institut marocain d’intelligence stratégique(IMIS) souligne que le secteur de l’industrie agro-alimentaire (IAA) contribue significativement à l’économie, générant une valeur ajoutée de 30 milliards de dirhams, soit environ 26 % du PIB industriel.
Cependant l’agro-industrie doit faire face à de nombreux défis au Maroc, tout comme dans de nombreux autres pays du continent. En effet le paradoxe réside dans le fait que le Maroc est un pays à vocation agricole, considéré par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comme un grand exportateur agricole mais paradoxalement comme un grand importateur de produits alimentaires.
L’IMIS met en avant l’ambivalence qui s’explique par une production agricole à la pointe et massifiée ces dernières années grâce au « Plan Maroc Vert » ou à « Génération Green » qui s’oppose à un manque de transformation de la matière brute, pour en faire un produit industriel, pour le marché local mais aussi pour l’export.
Face à cette dualité, l’IMIS a entrepris des recherches pour identifier les moyens par lesquels le Maroc peut garantir sa souveraineté alimentaire et exploiter son secteur agroalimentaire en tant que moteur de croissance économique et de commerce international.
Etat des lieux de l’agro-industrie marocaine
26 % du PIB industriel, rassemble près de 2 000 entreprises et emploie plus de 150 000 personnes
Selon le rapport publié en septembre 2022, le secteur de l’industrie agro-alimentaire (IAA) au Maroc constitue un pilier essentiel de l’économie. Il représente 26 % du PIB industriel, rassemble près de 2 000 entreprises et emploie plus de 150 000 personnes, soit environ 25 % de l’ensemble du secteur industriel. Malgré cette prédominance des petites et moyennes entreprises (PME) comptant moins de 200 employés, qui représentent 95 % du secteur, les plus grandes entreprises, constituant les 5 % restantes, sont responsables de près de 55 % de la production agroalimentaire. Ces grandes entreprises appartiennent soit à des groupes nationaux tels que Diana Holding, Holmarcom, Unimer et Koutoubia, soit à des multinationales étrangères comme Nestlé, Coca-Cola, Savola et Centrale Danone.
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L’agro-industrie, un secteur clé du Plan d’Accélération Industrielle du Maroc, a enregistré une croissance moyenne d’environ 6 % par an au cours des dix dernières années. Elle représente désormais près de 5 % du PIB national, devenant ainsi le deuxième secteur industriel en termes de taille. Cette croissance substantielle, bien que variable géographiquement, est attribuable à l’évolution rapide des habitudes de consommation internes, en particulier en milieu urbain, ainsi qu’à la forte demande extérieure et au soutien public accordé au secteur. Le gouvernement, par le biais du Plan Maroc Vert et du contrat-programme de 2017 signé avec les opérateurs privés, s’efforce de restructurer et de valoriser le secteur. Cependant, il subsiste des lacunes à combler, tant en amont qu’en aval, notamment en ce qui concerne la transformation des produits.
Seulement 12 % des exportations industrielles totales
Bien que les produits agroalimentaires marocains soient principalement destinés au marché intérieur, avec seulement 12 % des exportations industrielles totales représentant une valeur d’environ 1,7 milliard de dollars, il reste un potentiel inexploité sur le marché mondial en raison de contraintes telles que l’offre exportable limitée, les variations saisonnières des récoltes agricoles et les réglementations actuelles qui entravent la création d’un marché intérieur organisé pour les produits transformés alimentaires.
Un grand pays agricole obligé d’importer pour produire ?
Une part importante des revenus générés par les entreprises agroalimentaires provient de la transformation de produits importés, ce qui soulève des préoccupations quant à la création de valeur ajoutée à partir de la production agricole nationale. Cette situation souligne la nécessité de relever divers défis liés à la modernisation des méthodes de production, à la diversification industrielle, à la gestion des chaînes d’approvisionnement et à la régulation du marché, tout en s’adaptant aux perturbations mondiales telles que la crise Covid-19 et les tensions géopolitiques.
Le secteur agroalimentaire marocain présente ainsi une dualité structurelle, avec des acteurs majeurs diversifiés et des acteurs plus petits spécialisés dans des niches de production. Les entreprises à participation étrangère jouent un rôle significatif dans la valeur ajoutée, représentant 58 % de l’ensemble de l’industrie agroalimentaire. Les investisseurs français, singapouriens et britanniques sont les principaux contributeurs étrangers.
La croissance économique du Maroc demeure étroitement liée aux secteurs de l’agriculture et de l’agro-industrie, comme le souligne le Haut-Commissariat au Plan dans son rapport. Les fluctuations de la valeur ajoutée dans ces secteurs témoignent de la vulnérabilité aux conditions climatiques, ce qui met en évidence la nécessité d’une gestion durable et de la diversification industrielle pour atténuer les risques.
Le secteur agroalimentaire est également confronté à de nouveaux défis résultant des perturbations mondiales post-Covid et de l’instabilité géopolitique découlant de la crise en Ukraine. Bien que le Maroc soit classé parmi les importateurs nets de produits alimentaires, des efforts sont en cours pour renforcer la résilience face aux perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales. En parallèle, les défis du changement climatique et des conditions climatiques structurellement difficiles soulignent la nécessité d’une production agricole plus résiliente.
Objectif : Créer et intégrer des chaînes de valeur compétitives.
Face à ces défis, la gestion durable, la diversification industrielle et la maîtrise des marchés sont essentielles pour réduire la dépendance aux marchés internationaux. Pour l’IMIS, le Maroc doit renforcer sa capacité à créer et à intégrer des chaînes de valeur compétitives, responsables sur le plan écologique et innovantes, afin de saisir les opportunités sur les marchés euro-méditerranéens et africains.
Et l’on peut être optimiste pour l’avenir de l’agro-industrie marocaine, puisque l’étude de 2022 semble insuffler une dynamique, un exemple l’illustrant c’est la récente cession d’une participation de 30,05 % du groupe singapourien Wilmar dans le groupe sucrier marocain COSUMAR à des investisseurs institutionnels locaux. Cette transaction témoigne des efforts continus visant à renforcer et à diversifier le secteur agroalimentaire du Maroc.