Les producteurs d’oignons au Maroc se retrouvent aujourd’hui dans une situation financière critique, conséquence d’une hausse vertigineuse des coûts de production. Entre l’augmentation des prix de l’énergie et une concurrence étrangère accrue, les agriculteurs peinent à maintenir la rentabilité de leur activité. Le360 s’est penché sur le sujet dans son édition en ligne ce 15 septembre 2024.
Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER), a exprimé son inquiétude à ce sujet lors d’un entretien avec Le360. Selon lui, malgré les subventions étatiques pour les semences et les engrais, les coûts demeurent insoutenables. « Certaines dépenses, comme la main-d’œuvre, sont incompressibles et dépassent de loin celles de nos concurrents », explique-t-il, en précisant que la masse salariale au Maroc est désormais trois fois plus élevée qu’en Égypte, un pays devenu un rival direct sur le marché africain.
L’augmentation des coûts énergétiques est un autre facteur de cette crise. Le prix du butane, essentiel pour de nombreuses opérations agricoles, a grimpé en flèche, pesant lourdement sur les producteurs. De plus, les difficultés liées à l’irrigation s’ajoutent à ce tableau déjà sombre. Dans des zones comme El Hajeb, où les précipitations étaient autrefois suffisantes pour couvrir une grande partie des besoins en eau, les agriculteurs sont maintenant contraints de puiser l’eau à des profondeurs parfois supérieures à 100 mètres. « Ce besoin en irrigation supplémentaire a pratiquement triplé les coûts dans certaines régions », souligne Benali.
Malgré ces obstacles, la production d’oignons reste abondante, mais les agriculteurs sont contraints de vendre leurs récoltes à perte. Mohamed Hrimech, un agriculteur de la région d’El Hajeb, explique que « le coût de production a plus que doublé, alors que le prix de vente à la sortie de l’exploitation n’est que de 0,70 à 1 dirham par kilogramme ». Cette situation rend la survie économique des producteurs extrêmement difficile.
Les espoirs placés dans les exportations se sont également révélés décevants. Malgré une récente ouverture des exportations, les volumes envoyés à l’étranger restent faibles. L’Égypte, avec des prix nettement plus compétitifs, a réussi à capter une grande partie du marché africain, évinçant ainsi les producteurs marocains. Cette concurrence accrue a laissé les agriculteurs avec des stocks invendus et des prix en chute libre sur le marché local.
La situation est également aggravée par des pertes post-récolte importantes. L’absence de systèmes de stockage adéquats, comme des réfrigérateurs spécialisés, entraîne des pertes pouvant atteindre 40 % des récoltes. Bien que les oignons puissent être conservés dans des installations traditionnelles, cela ne garantit pas leur préservation à long terme. « Le stockage reste coûteux et n’offre aucune garantie d’un retour sur investissement », déplore Rachid Benali.
Enfin, le marché intérieur pose également problème. Les consommateurs continuent de payer jusqu’à 6 dirhams le kilogramme d’oignons, alors que les producteurs, eux, vendent leur marchandise à des prix dérisoires. La chaîne de distribution, dominée par des intermédiaires, capte une grande partie des marges, laissant les agriculteurs dans une situation déséquilibrée. Soufiane Ghannaoui, un autre agriculteur d’El Hajeb, regrette cette injustice, rappelant que les producteurs ne reçoivent qu’une infime part des bénéfices générés.
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Face à ces multiples défis, les producteurs d’oignons se trouvent à la croisée des chemins. « Sans une intervention rapide et concertée des pouvoirs publics, axée sur l’amélioration des infrastructures de stockage et une aide plus soutenue pour couvrir les coûts de production, l’avenir de cette filière pourrait être compromis », avertit Soufiane Ghannaoui.
La filière oignon, autrefois florissante au Maroc, est donc aujourd’hui menacée par un cocktail de hausses des coûts, d’une concurrence internationale féroce et d’une gestion difficile des récoltes. Si rien n’est fait pour rectifier le tir, les producteurs risquent de se retrouver durablement en difficulté, au détriment de tout le secteur agricole du pays.