Le changement climatique, la mondialisation des échanges et l’évolution des réglementations phytosanitaires exacerbent l’apparition de nouveaux bioagresseurs menaçant les cultures agricoles, la sécurité alimentaire mondiale et les écosystèmes. Face à cette menace croissante, un collectif de chercheurs d’INRAE, du Cirad et de l’Anses plaide pour une modernisation urgente des systèmes de surveillance phytosanitaire.
Publié dans la revue CABI Agriculture and Bioscience, l’article souligne les limites des systèmes actuels, qui reposent principalement sur la détection de symptômes visibles et de ravageurs connus. Ces méthodes traditionnelles, bien que précieuses, s’avèrent insuffisantes pour faire face à des menaces émergentes, souvent invisibles à l’œil nu ou encore inconnues.
En France, l’inquiétude monte et les experts veulent davantage anticiper, Samuel Soubeyrand, chercheur à INRAE et co-auteur de l’étude, explique que l’approche proposée intègre un large éventail de disciplines scientifiques pour identifier les principales lacunes du système actuel. « La surveillance est souvent réalisée dans un cadre restreint, avec des silos de pensées et d’approches. Nous avons voulu élargir le cadre en liant plus étroitement la surveillance, l’anticipation et l’évaluation des risques », précise-t-il.
Les chercheurs ont ainsi identifié quatre axes de recherche prioritaires pour moderniser la surveillance phytosanitaire. Le premier axe concerne l’anticipation de l’émergence des ravageurs et pathogènes, en développant des capacités de prévision innovantes qui tiennent compte de la diversité des sous-espèces et des effets des changements climatiques.
Le deuxième axe porte sur l’utilisation d’outils de surveillance polyvalents et à large spectre. Parmi ces outils figurent les diagnostics moléculaires, l’imagerie, le suivi des réseaux sociaux assistés par intelligence artificielle, ainsi que l’échantillonnage de milieux et d’organismes vivants jouant le rôle de sentinelles de la santé des plantes.
Systèmes de surveillance coopératifs et inclusifs, favorisant le partage des informations et des données
En troisième lieu, les chercheurs soulignent l’importance d’étudier les organismes déjà répertoriés comme nuisibles sous de nouvelles perspectives, notamment en améliorant leur diagnostic au niveau infraspécifique pour détecter les variants.
Enfin, le quatrième axe préconise la mise en place de systèmes de surveillance coopératifs et inclusifs, favorisant le partage des informations et des données, y compris celles non initialement destinées à la surveillance de la santé des plantes. Cette approche vise à intensifier la surveillance des territoires et à renforcer les systèmes d’alerte face aux émergences.
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L’intégration de ces mesures dans une approche « One Health », qui considère la santé des plantes, des humains, des animaux et de l’environnement de manière globale, est essentielle. La modernisation de la surveillance phytosanitaire apparaît ainsi comme une nécessité urgente pour mieux protéger les cultures et les forêts, et garantir durablement la sécurité alimentaire mondiale.