Contre les maladies fongiques de la vigne, mildiou et oïdium, la piste génétique.
80 % des pesticides actuellement utilisés en viticulture le sont contre le mildiou et l’oïdium. L’Inra met au point de nouveaux cépages résistants à ces maladies. Des recherches et une expérimentation pour réduire massivement l’usage de pesticides.
Sur le domaine expérimental de l’Inra à Bordeaux, les chercheurs Inra comparent sur plus d’un demi-hectare, dans des conditions proches de la pratique agricole, trois modes de culture. Un mode conventionnel bas intrants, avec le cépage Merlot, qui permet d’économiser 50 %* de pesticides par rapport au mode classique, un mode agriculture biologique, toujours avec du Merlot, qui réduit les pesticides à 65 %*. Ces deux modes sont comparés à une variété résistante au mildiou et à l’oïdium, soit un cépage inédit issu des recherches de l’Inra de Colmar, permettant d’économiser 96 %* de pesticides. Outre l’usage de produits phytosanitaires, ils évaluent pour chacun des modes, la durabilité, le coût, le temps de travail… et jusqu’à la qualité du vin. L’essai est en place depuis 2011, il y a donc eu deux récoltes et deux vinifications (2014, 2015). Dans ce dispositif, pour le cépage résistant, l’objectif de rendement est plus élevé qu’avec le Merlot.
Premières promesses tenues sur le terrain
La variété résistante tient ses promesses sur le terrain. Quelques traitements très ciblés sont toutefois appliqués afin d’éviter le développement du black rot, maladie « secondaire » habituellement contrôlée par les traitements réalisés contre le mildiou et l’oïdium. Avec ces traitements on atteint un IFT (indicateur de fréquence des traitements phytosanitaires) de 1,3, bien moindre que la moyenne bordelaise de 15 ou 16, et on agit également en faveur d’une meilleure durabilité des résistances au mildiou et à l’oïdium.
Cette variété résistante a été sélectionnée à l’Inra de Colmar. Grâce au développement d’une plateforme de phénotypage dédiée aux maladies de la vigne, les chercheurs ont identifié et positionné plusieurs gènes de résistance sur le génome de la vigne, provenant de vignes américaines et asiatiques. Ce sont des « cousines » de la vigne cultivée (Vitis vinifera) qui ont été utilisées pour intégrer par croisements successifs leurs gènes de résistance dans la vigne cultivée. Les chercheurs ont ensuite réalisé de nouveaux croisements pour cumuler les gènes de résistance dans les mêmes variétés en adoptant un schéma de sélection accéléré, conçu en 2002. Une sélection précoce a permis de trier les descendances par sélection assistée par marqueurs pour s’assurer de la présence des gènes de résistance choisis. Une sélection intermédiaire permet d’évaluer les principaux caractères viticoles et la qualité du vin dans un dispositif multisites sur les unités expérimentales Inra.
Le chemin avant la diffusion
La sélection finale va mobiliser un réseau national d’essais en vue de la présentation à l’inscription au catalogue officiel, préalable indispensable à la diffusion de la variété auprès des viticulteurs qui pourraient l’utiliser pour des vins de table et de pays.
En effet, les règlements actuellement en vigueur dans les Appellations d’origine contrôlée (AOC) définissent les cépages autorisés. Une nouvelle variété ne pourrait donc être cultivée en AOC qu’avec une évolution du règlement. Les prototypes résistants actuels serviront vraisemblablement de géniteurs pour des croisements avec des cépages traditionnels permettant de créer des cépages nouveaux, résistants, mais plus proches de la typicité des vins de chacune de nos régions agricoles.
* Ces pourcentages sont ceux observés dans les conditions expérimentales, les chiffres pourraient être moins élevés dans d’autres conditions mais toujours significatifs quant à la réduction des pesticides.