Les pucerons sont des parasites majeurs des végétaux dans le monde qui s’attaquent à toutes les cultures notamment les agrumes.
Ces phytoparasites sont considérés comme l’un des groupes les plus nocifs et comme une source perpétuelle de frustration pour les agriculteurs en raison des particularités biologiques et éthologiques de ces aphides, notamment leurs potentiels biotiques et leurs adaptations à l’exploitation maximale du milieu par leur polymorphisme. Il s’agit d’insectes piqueurs et suceurs qui prélèvent d’importantes quantités de sèves sur les plantes, dont toutes les parties peuvent être colonisées particulièrement les jeunes feuilles, les fleurs, et les fruits. Les dégâts occasionnés varient selon la plante et l’espèce du puceron et peuvent provoquer des déformations, des ralentissements de croissance, et même des transmissions de maladies (Alford, 2011).
Les pucerons comptent actuellement environ 4 000 espèces (Dedryver et al., 2010) dont plusieurs peuvent attaquer les agrumes comme ;
- Puceron noir des agrumes (Toxoptera citricida) : C’est l’une des espèces les plus nuisibles, capable de transmettre des virus graves comme le virus de la tristeza.
- Puceron vert des agrumes (Aphis spiraecola) : Fréquent sur les jeunes pousses et les feuilles des agrumes.
- Puceron brun des agrumes (Toxoptera aurantii) : Provoque des déformations importantes des feuilles et des fruits.
- Puceron du coton (Aphis gossypii) : Polyphage, il attaque aussi bien les agrumes que d’autres plantes.
Généralement, pour déterminer les espèces des aphides qui causent des dégâts sur les agrumes, Blackman et Eastop en 2006 s’appuient sur trois parties morphologiques de l’insecte aptère et ailé relativement précis à savoir : les ailes, les antennes et le cauda
Le cycle biologique des pucerons
Le cycle annuel complet d’un puceron se déroule ainsi de la fin de l’hiver à la fin de l’été, les colonies de pucerons sont constituées exclusivement de femelles parthénogénétiques produisant des descendants femelles sans fécondation. Durant cette phase, la taille des colonies augmente de façon extrêmement rapide, puisqu’une femelle est en âge de se reproduire en moins de 15 jours. Ce mode de reproduction explique en grande partie la nuisibilité de ces insectes (Navasse, 2016). À la fin de l’été, apparaissent des femelles sexupares qui produisent des mâles et des femelles fertiles. Ces derniers se reproduisent par fécondation à l’automne. Les femelles fertiles pondent leurs œufs au début de l’hiver. L’éclosion des œufs donne naissance à des femelles dites fondatrices qui sont généralement aptères et qui engendrent plusieurs générations parthénogénétiques appelées fondatrigènes (Hardie, 2017). Ce type de cycle est appelé cycle complet ou holocyclie. Le deuxième cycle, plus simplifié, est appelé anholocyclique : Il n’y a pas de partie de reproduction sexuée. Les pucerons ne se reproduisent que par parthénogénèse tout au long de l’année.
Les dégâts
Les pertes que causent les pucerons sont de deux types : on parle d’une part des dégâts directs, en effet, Le prélèvement et l’absorption de la sève des plantes représentent la première conséquence de colonisation de la plante par le puceron (Harmel et al., 2008). Des effets toxiques dus à l’injection de salive induisent l’apparition de galles qui se traduisent par la déformation et la décoloration des tissus végétaux (Dedryver et al., 2010), il en suit l’affaiblissement de la plante, une croissance réduite, une mauvaise fructification ainsi une perte de rendement (Christelle, 2007).
En ce qui concerne les dégâts indirects : les produits non assimilés de la digestion de la sève, riches en sucre, sont éjectés par les pucerons sur la plante sous forme de miellat. (Tanya, 2002). Cette substance peut contrarier l’activité photosynthétique de la plante soit, directement en bouchant les stomates, soit indirectement en favorisant le développement de champignons saprophytes. Ceux-ci provoquent des fumagines qui entravent la respiration et l’assimilation chlorophyllienne ou souillent les parties consommables et les rendent ainsi impropres à la commercialisation (Christelle, 2007 Tanya, 2002).)
Les pucerons occupent un rôle de premier plan dans la dissémination des maladies virales, tant par le nombre de virus qu’ils sont susceptibles de transmettre que par le nombre d’espèces impliquées. En effet, en se déplaçant d’une plante à une autre, les pucerons créent des contacts indirects entre les végétaux distants et immobiles (Brault et al., 2010).. Dans le cas des maladies virales, seuls quelques individus suffiront pour entraîner des dégâts irréversibles. A titre d’exemple Toxoptera citricida transmet le virus de la Tristesa qui était responsable de la perte de sept millions d’arbres d’oranger au Brésil (Eastop, 1977). Il est à noter que les attaques de pucerons surviennent principalement sur les jeunes feuilles, au moment des poussées végétatives.
Méthodes de lutte contre les pucerons des agrumes
Lutte préventive
La prévention est considérée comme étant la meilleure stratégie pour éviter les infestations de puceron en se basant sur l’utilisation des différentes pratiques culturales et l’entretien de la culture :
- Il est ainsi recommandé de pratiquer l’enfouissement pendant l’hiver des plantes ayant reçu des œufs d’hiver ainsi que la destruction par des hersages ou sarclages des plantes sauvages susceptibles d’héberger des espèces nuisibles aux plantes cultivées au début du printemps. En effet, dans la lutte contre les aphides, l’élimination de la végétation spontanée s’avère très importante, car les pucerons colonisent la végétation spontanée des zones non labourées ou non binées. Ces plantes sauvages sont bien souvent la source des pucerons ailés qui vont s’installer dans les cultures réceptives.
- Il est aussi important de maitriser la fertilisation azotée en évitant les excès d’engrais azotés, car ils favorisent les pousses tendres, très appréciées des pucerons.
- La taille donne non seulement de la vigueur à la plante et donc une résistance aux maladies, permet aussi, l’élimination de certains foyers d’hivernation de ces ravageurs, se trouvant sur rameaux, branches et feuilles. Elle permet également d’éviter la création d’un microclimat favorable à la pullulation des pucerons.
Lutte biologique
La lutte biologique consiste en l’utilisation d’organismes vivants prédateurs naturels ou parasitoides ou de leurs produits pour lutter contre les organismes nuisibles. Les prédateurs de pucerons se nourrissent de leurs proies et exercent ainsi une pression plus directe sur les populations (Hance et al., 2017). Ils appartiennent à différents ordres et familles, dont les plus importants sont les Coléoptères (Coccinellidae), les Diptères (Syrphidae), les Neuroptères (Chrysopidae), les Dermaptères et les Hémiptères. Chez certaines familles comme les Coccinellidae, les formes larvaires et adultes sont prédatrices, tandis que chez d’autres comme les Syrphidae, Cecidomyiidae et Chrysopidae, seules les larves le sont (Brodeur et al., 2017). L’efficacité de la lutte biologique contre les pucerons a été prouvée avec certains insectes tels que Coccinella septempunctata L. ou Chrysoperla carnea Stephen, ainsi qu’avec des champignons entomopathogènes (Aboussaid et al., 2007).
Lutte curative
Certains insecticides chimiques ont prouvé leurs aptitudes à contrôler efficacement les pucerons. En cas de forte infestation, il s’agit ainsi d’utiliser de produits homologués tel que ceux à base d’acétamipride ou de tau-fluvalinate, en respectant les doses recommandées pour ne pas nuire aux auxiliaires. L’Intervention devra être ciblée lorsque le seuil de 30 larves de pucerons par feuille est atteint sur un échantillon d’environ 8 feuilles par plant. L’époque la plus favorable pour les applications insecticides contre les pucerons se situe au printemps (moment où les fondatrices vont donner plusieurs générations de femelles parthénogénétiques). Il est nécessaire d’intervenir dès l’apparition des premières colonies.
La lutte physique
Ce type de lutte consiste dans l’utilisation de choc thermique contre les pucerons et constitue un moyen de lutte appréciable. En effet, certains travaux ont expérimentés la fécondité des pucerons, sous l’effet d’une température de 30°C, il a été remarqué qu’a cette température la fécondité s’annule (Dereggi, 1972 in Abbou A, 2012). D’autres expériences menés par Rabasse (1976), en culture protégé ont montré que le choc thermique provoqué par la fermeture des ouvrants portant la température de 23°C à 34°C puis à 45°C en 2 heures et maintenue pendant 3 heures, entraine la mort de 90% des populations aphidiennes.
Nouvelle solutions ….
Pour pallier aux effets néfastes des aphides dans l’agriculture, de nouvelles solutions commencent à être proposées pour lutter contre ce ravageur, et de nombreuses études développent l’utilisation de biopesticides. Les biopesticides font référence à des produits contenant des agents de lutte biologique tels que des organismes naturels ou des substances dérivées de matériaux naturels (animaux, plantes, bactéries ou certains minéraux), y compris leurs gènes ou métabolites, pour combattre les organismes nuisibles, tels que le puceron. Les plantes produisent des substances actives ayant des propriétés insecticides, aseptiques ou encore régulatrices de la croissance des plantes et des insectes. Le plus souvent, ces substances actives sont des métabolites secondaires qui, à l’origine, protègent les végétaux des herbivores (Deravel et al., 2014).
Dans ce contexte certains études menées par des chercheurs ont montré cette efficacité contre les pucerons à titre d’exemple
Une expérience a été effectué Belabdelhadi et Elandaloussi en 2021 par ayant pour l’objectif de tester l’huile essentielle de Myrtus communis, afin d’évaluer sa toxicité sur les pucerons verts des agrumes
Le mode d’action des huiles essentielles est de mieux en mieux connu chez les insectes. Les huiles essentielles ont des effets antiappétants, affectant ainsi la croissance, la mue, la fécondité et le développement des insectes et acariens. Les huiles essentielles agissent également sur la cuticule des insectes et acariens à corps mou. Le rôle de la cuticule est de prévenir les pertes hydriques. La nature lipophile de l’huile essentielle peut dégrader la couche cireuse de la cuticule et causer des pertes en eau. Les trachées et les sacs d’air des insectes sont enduits de cette couche cireuse et sont affectées par l’huile essentielle ce qui peut entraîner l’asphyxie (Chiasson et Beloin, 2007)
L’évalutation de la toxicité de l’HE de myrtille s’est faite on appliquant trois différents tests ; inhalation, contact et ingestion. Les trois tests de l’activité insecticides de l’huile essentielle de Myrtus communis a fait ressortir que le puceron a présenté une sensibilité importance vis-à-vis de l’extrait. En effet, les concentrations (0,8 et 1 µ l/ml) de l’huile essentielle ont conduit à la mortalité totale des pucerons verts et ceci après trois heures de traitements avec une DL50, estimée à 0.017 µl/ml. A travers cette étude et d’après les résultats satisfaisants obtenus ; il a été conclu que l’huile essentielle de Myrtus communis a présenté un effet insecticide remarquable à l’encontre du puceron vert des agrumes.
Un deuxième exemple dans lequel l’utilisation des HE et des extraits de plante ont fait l’objet de test d’efficacité vis-à-vis des larves et des adultes de espèces aphidiennes les plus répandues dans les vergers d’agrumes lors d’une étude réalisé par Amokrane en 2024 dans le cadre de sa thèse. Dans ce contexte deux plantes J.phoenicea et P. lentiscus de la région de Medjadja ont été teste par contact sur les larves et les adultes du puceron des agrumes in vivo et in vitro: L’évaluation de l’activité insecticide a été réalisée en utilisant différents constituants, tels que les huiles essentielles, les extraits méthanoïques, acétoniques et aqueux des plantes (P. lentiscus, J. phoenicea) ainsi que leurs mélanges. Les résultats enregistrés ont révélé des taux de mortalité qui avoisinent les 100%, que ce soit pour une utilisation individuelle ou synergique de ces bioproduits.. Ce qui a permet de conclure le pistachier (Pistacia lentiscus) et le genévrier (Juniperus phoenicea), ainsi que leur effet synergique, possèdent des propriétés insecticides qu’il convient de valoriser. Cela contribuerait à résoudre les problèmes de rémanence dans les produits consommés, à préserver la santé des consommateurs et à respecter l’équilibre écologique.
Une troisième expérience effectué par Benaichour et a en 2017 qui a consisté , par pulvérisation des adultes avec une solution connidienne de Metarhizium anisopliae var acridum ( un champignon présent dans la plupart des sols du globe et utilisé contre les insectes ravageurs (Luong, 1992). ). Les résultats attestent que ce dernier est capable d’infecter le puceron vert des agrumes et causer jusqu’à 100 % de mort dans un temps relativement court (06 jours) avec une DL50 de 103,20 pour le test « in vitro » et 103,62 pour le test « in vivo ». En fin ce travail, doit être reconduit dans les mêmes conditions de laboratoire, pour une éventuelle confirmation des résultats, avant d’être expérimenté en plein champs, pour certifier son efficacité réelle, dans les conditions naturelles.
Conclusion
Les pucerons des agrumes peuvent sérieusement affecter la santé et la productivité des vergers d’agrumes. Toutefois, avec des méthodes préventives efficaces et des stratégies de lutte adaptées, il est possible de minimiser leur impact.