Une bactérie modifie son ADN pour mieux infecter les plantes : une nouvelle stratégie sans mutation.
Une équipe de chercheurs de l’INRAE a récemment mis en lumière une découverte fascinante dans le monde de la phytopathologie. Publiée dans la revue PLoS Biology le 20 septembre 2024, cette étude dévoile comment la bactérie Ralstonia pseudosolanacearum, responsable du flétrissement bactérien sur de nombreuses plantes, utilise des modifications épigénétiques pour s’adapter à son environnement, sans avoir recours aux mutations génétiques classiques.
Traditionnellement, l’adaptation des organismes vivants repose sur des mutations aléatoires dans leur ADN, qui sont ensuite transmises à leur descendance si elles s’avèrent bénéfiques. Toutefois, les chercheurs s’intéressent de plus en plus à un autre mécanisme d’évolution, l’épigénétique, où des modifications chimiques de l’ADN ou des protéines associées influencent l’expression des gènes, sans changer la séquence de l’ADN. Ces changements sont également héritables et peuvent se transmettre entre générations.
Peu d’études avaient démontré un lien aussi direct entre des modifications épigénétiques et l’adaptation environnementale des bactéries
Les chercheurs du Laboratoire des Interactions Plantes-Microbes-Environnement (LIPME) se sont concentrés sur Ralstonia pseudosolanacearum, une bactérie phytopathogène qui infecte plus de 250 espèces végétales, notamment les tomates et les pommes de terre. Cet agent pathogène est une véritable menace pour l’agriculture, causant des pertes importantes dans les cultures. Comprendre comment cette bactérie s’adapte à ses plantes hôtes pourrait aider à mieux prédire et contrôler la propagation des maladies qu’elle engendre.
L’étude relayée par l’INRAE début octobre, a révélé que la bactérie ajuste son fonctionnement par un mécanisme épigénétique appelé méthylation de l’ADN. En analysant les bactéries sur cinq plantes hôtes différentes pendant 300 générations, grâce à une technologie de séquençage avancée (SMRT-seq), les scientifiques ont identifié 50 modifications épigénétiques dans leur ADN. L’une de ces modifications cible un gène clé, epsR, qui régule la production de polysaccharides extracellulaires. Ces substances sont essentielles pour la virulence de la bactérie, car elles contribuent à la formation d’une matrice protectrice autour des cellules bactériennes, leur permettant ainsi d’infecter plus efficacement les plantes.
Ces changements épigénétiques se sont avérés stables sur plusieurs générations, même après que la bactérie ne soit plus en contact avec la plante hôte. Cela démontre la rapidité avec laquelle ces ajustements épigénétiques peuvent survenir et être maintenus, sans avoir besoin de mutations permanentes dans la séquence d’ADN.
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La découverte d’une telle adaptation bactérienne via l’épigénétique marque une avancée majeure en microbiologie et en phytopathologie. Jusqu’à présent, peu d’études avaient démontré un lien aussi direct entre des modifications épigénétiques et l’adaptation environnementale des bactéries. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre la dynamique des infections bactériennes dans les cultures, ainsi que pour développer des stratégies de lutte plus efficaces contre ces pathogènes.
En explorant de nouvelles pistes comme les changements épigénétiques, les chercheurs espèrent non seulement améliorer les prédictions sur l’émergence de maladies végétales, mais aussi proposer des solutions pour limiter leur impact sur l’agriculture mondiale.