Une découverte sur la compétition lumineuse chez les plantes : un nouveau rôle pour la cytokinine.
Dans un monde où chaque rayon de lumière compte, les plantes développent des stratégies sophistiquées pour se disputer cette précieuse ressource. Jusqu’à présent, les mécanismes de cette « guerre pour la lumière » étaient bien compris, notamment la manière dont les plantes allongent leurs tiges pour surpasser leurs voisines et capter plus de soleil. Cependant, une équipe de chercheurs du laboratoire de biologie moléculaire de l’Université de Wageningen a récemment mis au jour un nouveau mécanisme lié à l’hormone végétale cytokinine, ouvrant ainsi une nouvelle voie pour améliorer la culture des plantes. Leurs travaux, publiés dans Nature Communications, pourraient transformer notre compréhension des interactions entre plantes en conditions de compétition.
Comment les plantes « voient » la lumière ? Un nouvel acteur dans la compétition : la cytokinine
La compétition entre plantes, que ce soit dans les champs, les serres ou dans la nature, ne se limite pas aux nutriments ou à l’eau. La lumière, essentielle à la photosynthèse, est une ressource que les plantes se disputent constamment. Ce phénomène est amplifié dans les cultures denses, où la lumière rouge est rapidement absorbée, tandis que la lumière rouge lointaine est réfléchie, modifiant le rapport entre ces deux types de lumières. Cette variation déclenche un « interrupteur » biologique grâce à un pigment photosensible appelé phytochrome.
« Lorsque le rapport rouge/rouge lointain diminue, cela active une série de réponses chez la plante, telles que l’allongement des tiges et des pétioles, ainsi que l’inclinaison des feuilles vers le haut », explique Ronald Pierik, professeur de biologie moléculaire. Ces ajustements permettent aux plantes de surpasser leurs voisines pour capter plus de lumière.
Alors que ces mécanismes de réaction à la lumière sont bien connus, l’équipe de recherche a exploré un aspect encore peu étudié : comment les plantes réagissent simultanément à la disponibilité de la lumière et à celle des nutriments, en particulier l’azote. Cette approche novatrice a conduit Pierre Gautrat, chercheur postdoctoral, à découvrir le rôle central de l’hormone cytokinine.
La cytokinine, produite dans les racines, sert de messager entre les différentes parties de la plante. Lorsqu’il y a suffisamment d’azote dans le sol, la cytokinine est transportée jusqu’aux tissus en croissance, signalant la disponibilité de ce nutriment. Les chercheurs ont observé que lorsque l’azote est faible, la réaction d’évitement de l’ombre est inhibée, empêchant la plante de grandir en hauteur. Mais en ajoutant artificiellement de la cytokinine, ils ont pu contourner cette limitation et déclencher une croissance en longueur, même en présence de faibles quantités d’azote.
« C’est la première fois que nous démontrons que la cytokinine joue un rôle dans l’évitement de l’ombre », souligne Pierik. « Jusqu’ici, cette hormone était surtout connue pour inhiber la croissance en longueur. Nos résultats montrent que, sous certaines conditions, elle peut en fait la stimuler. »
L’inhibiteur qui stimule la croissance et implications pour l’agriculture
L’étude a également révélé un autre aspect fascinant du mécanisme. Au niveau génétique, certaines protéines inhibent la sensibilité des plantes à la cytokinine. Cependant, ces protéines elles-mêmes sont inhibées lorsque la plante est exposée à une lumière rouge lointaine. Ce double effet d’inhibition finit par stimuler la sensibilité des plantes à l’hormone et à déclencher leur croissance.
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Ces découvertes inédites sont d’autant plus surprenantes que le rôle de la cytokinine dans ce contexte avait été négligé jusqu’à présent. Les recherches précédentes, basées sur des expériences menées dans l’obscurité, avaient conclu que la cytokinine inhibait la croissance en longueur, mais les nouvelles données montrent que cet effet change en fonction des conditions lumineuses.
Ces résultats pourraient avoir un impact considérable sur la manière dont nous cultivons les plantes. L’architecture des cultures, c’est-à-dire la façon dont les plantes allouent leur énergie à la croissance, est cruciale pour maximiser les rendements. La « Révolution verte » des années 1960 a permis de produire des variétés de blé et de riz plus courtes et plus productives. En intégrant ces nouvelles connaissances sur la cytokinine et la compétition lumineuse, les agronomes pourraient développer des variétés encore plus efficaces.
« Ces nouvelles données pourraient aider à optimiser la production de cultures essentielles comme le blé, l’orge, le maïs et le riz », conclut Pierik. En d’autres termes, comprendre comment les plantes se disputent la lumière pourrait bien être la clé pour nourrir une population mondiale en pleine croissance.
Intéressant. Ce serait alors possible d’accélérer la croissance de vitroplants en acclimatation sous serre et ainsi de réduire la durée de l’acclimatation avant le transfert au champ.