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Ergonomie et confort vibratoire dans un tracteur agricole

Ergonomie et confort vibratoire dans un tracteur agricole : Etude des vibrations et interprétation par analyse spectrale.

Pr. Lahsen HAMMADA

Dédicace

Alors que j’assistais dernièrement aux funérailles de notre ancien tractoriste Oncle Ali :عمي علي, comme je l’appelais, je me suis rappelé de ce qu’il m’a dit un jour il y’à plus de 20 ans : « Tu sais mon fils, ce monstre à détruit ma vie, il bousillé ma colonne vertébrale ». Il parlait de son tracteur pendant que nous prenions ensemble du thé dans notre atelier quelques jours avant son départ à la retraite.

Les effets cumulés des secousses, les vibrations liées aux conditions de travail, souvent très onéreuses, les durées d’exposition très grandes dépassant les normes en vigueur, le manque de confort affectent directement la santé des conducteurs d’engins agricoles roulants et en particulier celle des chauffeurs de tracteurs agricoles. Plus de 95 % de nos conducteurs de tracteurs, que j’ai rencontrés et questionnés, soufrent de lombalgie chronique (Fig.1). En outre, ces personnes ne disposent pas souvent d’assurance ni de couverture médicale pour les protéger.

Depuis le jour de l’enterrement de Ammi Ali, j’ai décidé de sortir de mes tiroirs un travail de recherche que j’avais réalisé auparavant en relation avec la notion de confort et les vibrations dans un tracteur agricole. Ce travail est publié dans les anales de la faculté universitaire de Gemloux (Belgique) et cité en références bibliographiques dans Agricultural Engineering, Volume 4: Power, processing and systems: Proceedings of the Eleventh International Congress on Agricultural Engineering, Dublin, 4-8 September 1989.

Oncle Ali, était un homme très timide, très honnête, toujours serviable et aimait beaucoup son travail. Il n’est plus parmi nous aujourd’hui, mais je ne l’oublierais jamais et que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde. Cet article est lui est dédié.

Fig.1. Radiographie à l’IRM montrant une hernie discale

I- L’ergonomie et le confort vibratoire dans un tracteur agricole

Lors de la conception de machines agricoles, en particulier celle ‘un tracteur agricole, le but poursuivit par le concepteur est d’améliorer la productivité des journées de travail tout en préservant la santé du conducteur. Cette dernière qualité fait l’objet d’une science appelée ergonomie dont l’un des créneaux importants est le confort vibratoire, qui est abordé dans cette étude. Les pneumatiques, la cabine et le siège du conducteur constituent les éléments principaux à travers lesquels les vibrations, de différentes origines, sont amorties et filtrées avant qu’elles n’arrivent au corps du conducteur.

  1. Le pneumatique, une histoire passionnante pour plus de confort

Les anciens tracteurs étaient munis de lourdes roues en fer avec d’imposants crampons qui empêchaient tout roulage sur route et induisent des niveaux de vibrations intolérables pour les conducteurs (Fi.2).

Fig.2. Ancien tracteur avec roues arrières en aciers munies de crampons

En 1835, Charles Dietz garnit les jantes de son tracteur de bandage de caoutchouc plein (Fig.3). Le tout premier pneu a été inventé par Robert William Thomson en 1845. Il s’agit d’une ceinture réalisée à partir de plusieurs épaisseurs de toiles caoutchoutées, entourée de cuir et fixée par des boulons sur une roue en bois. John Boyd Dunlop (1840 – 1921), imagine une simple membrane de caoutchouc remplie d’air comprimé et dépose le premier brevet d’un pneumatique à valve. 1891

Edouard Michelin met au point le premier pneumatique démontable avec chambre à air. Depuis lors, la conception du pneumatique s’améliore sans cesse en vu d’accroître l’adhérence, réduire la résistance au roulement, limiter la compaction des sols, mais aussi d’augmenter le confort du conducteur. Les pneumatiques intelligents et connectés d’aujourd’hui peuvent changer leur sculpture avec la pression de télégonflage pour s’adapter aux conditions de roulement et trouver ainsi un compromis entre la route et le champ. Les pneumatiques futuristes pourront être couplés à des capteurs et délivrer plus de données en temps réel, comme la température et la pression, et transmettront de nombreuses informations à distance sur les conditions de roulage et s’adapter en conséquence pour plus de rendement, de sécurité et de confort.

Fig.3. Evolution du pneumatique d’un simple bandage au pneumatique connecté
  1. Evolution du siège du tracteur pour plus de bienêtre du conducteur

L’amortissement des vibrations se poursuit, bien que de façon imparfaite, au niveau du siège du conducteur qui est généralement monté sur un dispositif d’amortissement. En s’adaptant au poids et à la taille du conducteur avec l’assistance de capteurs de position et d’accéléromètres, les sièges à composants actifs d’aujourd’hui sont conçus pour réduire les nuisances des vibrations et absorber  une grande partie de l’énergie des mouvements verticaux, ce qui améliore considérablement le confort (Fig.4).

Fig.4. Evolution du siège du tracteur pour plus de confort
  1. La cabine du tracteur, un vrai progrès technologique pour plus d’ergonomie

La tendance actuelle est d’utiliser des cabines suspendues de façon à réaliser un préfiltrage des vibrations avant même que celles-ci n’arrivent à la base du siège du conducteur (Fig.5) Un grand nombre de tracteurs sont encore équipés de silentblocs (plaques de matière souple) intercalés entre la cabine et le châssis. Dans un autre système, l’avant de la cabine est monté sur silentblocs alors que l’arrière repose sur deux ressorts associés à un mécanisme absorbeur. Dans, les suspensions hydrauliques, deux vérins hydrauliques sont disposés à l’arrière de la cabine où se retrouve la barre antiroulis. Les vérins peuvent être associés à un accumulateur à boule d’azote qui reçoit un signal envoyé par un capteur de charge. La suspension peut alors s’adapter au poids dans l’habitacle sans intervention du conducteur pour un meilleur confort.

La suspension du pont avant conçue généralement sur la base d’une solution hydraulique (vérin – amortisseur) permet un débattement vertical des roues du tracteur de façon à absorber les irrégularités du terrain.

Fig.5. Dispositifs d’amortissent des vibrations placés à la base

de la cabine et au niveau du pont avant du tracteur

  1. Les mouvements vibratoires d’un tracteur

Les mouvements vibratoires d’un tracteur peuvent être définis par rapport à un système d’axes trirectangulaires, dont l’origine est liée à son centre de gravité (Fig.6)

Fig.6. Mouvements vibratoires du tracteur selon ses six degrés de liberté
  • Mouvements de translation :
  • Translation longitudinale ou « Moutonnement » ;
  • Translation latérale ou « Tamis » ;
  • Translation verticale ou « pompage ».
  • Mouvements de rotation :
  • Rotation autour de l’axe longitudinal « Roulis » ;
  • Rotation autour de l’axe latéral « Tangage » ;
  • Rotation autour de l’axe vertical ou « Lacet ».
  1. Les sources de vibrations dans un tracteur

On peut distinguer deux sources de vibrations dans un tracteur agricoles :

  • Les vibrations d’origine intrinsèque qui prennent naissance au niveau du moteur ;
  • Les vibrations d’origine extrinsèques imposées de l’extérieur par l’environnement du tracteur.

5.1. Les vibrations dues au moteur

La pression des gaz, les mouvements alternatifs des pistons, l’effet des forces d’inerties des bielles au niveau de leurs articulations sur le vilebrequin, les forces centrifuges des masses d’équilibrage se traduisent en couple moteur. Ce dernier est transmis aux attaches du moteur sur le châssis. Dans le cas du tracteur agricole, le moteur constitue lui même une partie de l’ossature globale du châssis et par conséquent, toutes les forces non équilibrées lui sont transmises selon ses six degrés de liberté. Les vibrations intrinsèques proviennent aussi des effets dynamiques des tolérances de production, des jeux et des contacts de roulements ou de frottement entre les différents éléments de toute la chaine de transmission.

5.2. Les vibrations d’origine externe

Ces vibrations prennent naissance au niveau de l’interface roues-route ou roues-sol et au niveau de l’interface outil-sol lors des opérations culturales. L’irrégularité du terrain, la présence d’obstacles de toute nature (mottes, creux, racines, pierres, cailloux, etc.) et la variabilité de la consistance du sol induisaient des vibrations et secousses qui vont se transmettre au niveau des différents éléments du tracteur. Lors du déplacement du tracteur,  les outils attelés au tracteur  peuvent osciller et il y’a un report de charges dynamiques sur les essieux.

Ainsi, de la superposition de l’ensemble des vibrations, d’origine intrinsèque et extrinsèque résulte un état vibratoire dans toute la structure du tracteur. Le corps du conducteur reçoit des vibrations dans toutes les difractions dont le niveau de nuisance dépend du mode de propagation des vibrations dans toute la structure du tracteur depuis leur lieu de création et de la qualité des dispositifs de leur filtration et d’amortissement.

  1. Les vibrations et le corps humain

Le corps humain constitue du point de vue et biologique et physique un système très complexe. Si on le considère du point de vue mécanique, il peut être schématisé comme un ensemble d’éléments possédant leurs propres caractéristiques de raideur et d’amortissement, qui peuvent d’ailleurs varier d’une personne à une autre (Fig.7). Dans le cas de vibrations verticales par exemple, le cou est sensible à des vibrations de basses fréquences (3 à 4 Hz), tandis que la colonne vertébrale est sensible entre 10 et 12 Hz. D’autres parties du corps sont affectées par des vibrations de plus hautes fréquences allant jusqu’à 6O Hz, comme la cage thoracique.

Fig.7. Modélisation simple du corps humain du point de vue mécanique

Le confort du chauffeur du tracteur est fonction de multiples facteurs, tels que la bonne adaptation du poste de conduite, insonorisation, climatisation, dépollution de l’air, la filtration des vibrations ainsi que la durée d’exposition. Le confort vibratoire dans un tracteur agricole est d’une importance particulière et ce pour deux raisons essentielles :

– Le niveau vibratoire est élevé compte tenu de son environnement de travail ;

– Les vibrations se produisent dans une gamme de fréquences (2 à 20 HZ) nocives pour la santé du conducteur.

En déplacement sur route ou à travers les champs, les journées de travail sont longues. Les chocs et secousses permanents, les inégalités du terrain induisent des vibrations qui sont transmises au conducteur du tracteur par l’intermédiaire des pédales et du volant et agissent sur les parties très mobiles du corps, comme les mains, les bras, les pieds et les cuisses.

Mais c’est par le siège que se propagent les mouvements les plus traumatisants pour l’organisme. Lors de la conduite d’un tracteur, la colonne vertébrale est très sollicitée, les vertèbres s’inclinent de l’avant vers l’arrière, un mouvement de flexion peut s’accompagner d’un mouvement de rotation ou d’inclinaison latérale. Le disque intervertébral reçoit alors toutes ses sollicitations et agit à la manière d’un amortisseur mais subit, toutefois, des variations d’épaisseur inégales et continuelles. Les mouvements répétés vont user ce disque, son épaisseur va diminuer par endroit. Ce tassement peut se généraliser à toute la surface du disque. Par conséquent, il en résulte l’apparition de maux de dos bien connus chez la plupart des conducteur de tracteurs agricoles. Les atteintes des vertèbres lombaires constituent un préjudice important pour les agriculteurs conducteurs d’engins agricoles comme le tracteur. Les conséquences sont beaucoup plus graves en raison des conditions particulières de travail. En effet, l’agriculteur a des impératifs tels qu’il peut difficilement interrompre son travail en cas de lombalgie, d’où la pénibilité extrême de la tache et une aggravation de sa maladie.

  1. Evaluation du confort vibratoire dans un tracteur

Le confort est une notion subjective. Toutefois, il doit être évalué d’une manière précise pour pouvoir l’améliorer, ce qui a conduit à diverses méthodes d’évaluation.

  • Les méthodes cherchant à réduire la réaction de défense de l’organisme en analysant diverses réactions physiologiques : L’électromyographie, par exemple, se base sur la mesure de l’activité musculaire en association aux mesures des vibrations au niveau du siège de conduite.
  • Les méthodes s’appuyant sur les déplacements des masses corporelles: Ces méthodes cherchent à minimiser les tensions au niveau des différentes parties du corps du conducteur soumises à des vibrations.
  • Les méthodes s’appuyant sur des sensations recueillies sur un grand nombre de sujets. La mise en application de cette méthode a conduit à la norme ISO 2631 : L’accélération vibratoire mesurée au séant du conducteur est reliée à des courbes d’isosensation selon les trois directions X, Y et Z correspondent aux axes anatomiques conventionnels du corps humain (Fig.8). Cette norme définit et donne les valeurs numériques aux limites d’expositions aux vibrations dans la gamme de fréquence allant de 1 à 100 Hz. Ces limites sont spécifiées en termes de fréquence, accélération, durée d’exposition et direction (Fig.9).

Fig.8. Axes anatomiques conventionnels du corps humain

Fig.9.Limites d’expositions aux vibrations selon la norme ISO 2731
  1. Direction X ; Direction Y ; Direction Z
  1. Etude des vibrations d’un tracteur agricole et interprétation par analyse spectrale
  2. Délimitation du champ de l’étude

De l’atelier au champ, les vibrations peuvent se produire à l’arrêt du tracteur (moteur en marche), pendant le déplacement sur route et pistes ou pendant le travail aux champs. Dans une série d’articles, nous étudierons les effets de ces différentes sources de vibrations à la base du siège du conducteur. Dans, cet article, nous nous limiterons aux vibrations du moteur, et ce pour deux tracteurs, l’un est sans cabine et l’autre avec cabine.

  1. Matériels et Méthodes

2.1. Caractérisation des vibrations sources au niveau du moteur

Afin d’identifier les fréquences des harmoniques des vibrations au niveau du moteur et qu’on pourrait éventuellement retrouver à la base du siège grâce au capteur, nous avons décomposé, par l’analyse de Fourrier, la courbe de la figure donné par le constructeur du moteur à six cylindres étudié (Fig.10). La courbe en question résulte de l’étude dynamique du moteur et représente l’évolution de la résultante de la pression des gaz et de l’inertie des pistons en fonction du nombre de tours de l’arbre moteur.

Fig.10. Résultante de la pression des gaz et de l’inertie des pistons en fonction du nombre de tours de l’arbre moteur du moteur Diesel à 6 cylindres

2.2. Mesures des vibrations induites à la base du siège du conducteur sous l’effet du mteur

L’objectif des essais de laboratoire est de mesurer les vibrations à la base du siège du tracteur   à l’arrêt alors que le moteur est en marche. Ces essais nous permettrons d’étudier l’effet du moteur seul à différents régimes. Deux tracteurs à quatre roues motrices ayant des moteurs Diesel similaires à six cylindres et à quatre temps ont été testés. Le premier tracteur, de marque Ford (66,2 kW) est sans cabine pour lequel le siège du conducteur est monté directement sur le châssis via une suspension mécanique. Le deuxième tracteur, de marque URSU (88,3 kW), est avec une cabine suspendue au moyen de quatre silentblocs. Le siège du conducteur est monté sur le plancher de la cabine via la même suspension utilisée dans le cas du premier tracteur.

Le capteur de vibrations est monté directement sur le châssis, à la base du siège du conducteur, pour le premier tracteur, alors qu’il est monté sur le plancher de la cabine, à la base du siège du conducteur, pour le deuxième tracteur. Un dispositif à écrous permet de visser le capteur selon la direction choisie et réaliser ainsi des mesures selon les trois directions X (direction longitudinale ; Y (Direction transversale) et Z (direction verticale).

2.3. Chaine de mesure et programmes informatiques

Le capteur de vibrations

L’accéléromètre utilisé est un capteur de vibrations inductif de type B12/200 ayant les caractéristiques métrologiques suivantes ;

  • Gamme de fréquence allant de 0 à 180 Hz :
  • Fréquence propre 200 Hz ;
  • Coefficient d’amortissement à la température de référence : 0, 6 ;
  • Sensibilité : 26 mV/g (g= 9,81 m/s2);
  • Plage nominale de température: -10 à 60C
  • Masse : 17 g
  • Tension d’alimentation nominale : 1-10 V

L’amplificateur

Un amplificateur de type MC2 à deux niveaux d’amplification de 10 ou 100 fois a été associé à l’accéléromètre.

Les enregistreurs

L’enregistreur utilisé en laboratoire pour la mesure des vibrations ayant pour origine le moteur du tracteur est de type GOULD à huit carneaux d’entrée.

Le numériseur

Un numériseur de type BENSON permet de convertir les données graphiques en informations numériques avec une acquisition des données sur ordinateurs.

Programme informatique d’échantillonnage

Un programme informatique d’échantillonnage, conformément au théorème de Shannon, au sein du signal enregistré a été réalisé et permet d’obtenir un nouveau signal avec des grandeurs discrètes tout en conservant complètement l’information d’origine. Ce signal est analysé par la suite en utilisant la transformée discrète de Fourrier (D.F.T).

Programme informatique de l’analyse de Fourier

La transformée de Fourier discrète (D.F.T) est un outil mathématique de traitement du signal numérique. Elle permet de transformer une série discrète dans le domaine Amplitude-temps) en une série dans le domaine Amplitude-fréquence S(k), facilement interprétable.

Soit un signal discret s(n) dans le domaine amplitude-temps composé de N échantillons numérotés de n = 0 à n = N -1. Sa représentation dans le domaine Amplitude-fréquence est obtenue par la transformé discrète de Fourier S(k) suivante :

La transformée discrète inverse de Fourrier permet de retrouver le signal discret d’origine avec une certaine marge d’erreur. De cette manière, on peut tester la qualité de l’échantillonnage et la fiabilité de la démarche.

Les formules de la transformée discrète de fourrier (D.F.T) ont été introduites dans un programme informatique pour obtenir une représentation spectrale des vibrations enregistrées. L’exemple ci-dessous (Fig.11) donne le signal d’origine, les valeurs discrètes échantillonnées et une représentation spectrale du signal.

Fig.11. Etapes de l’analyse spectrale d’une vibration par une transformée discrète de fourrier
  1. Résultats et discussions

3.1. Caractérisation des vibrations sources au niveau du moteur

L’analyse de Fourrier de la résultante de la pression des gaz et de l’inertie des pistons du moteur à six cylindres étudié donne le spectrogramme de la figure 12. Il représente l’amplitude des harmoniques exprimée en pourcentage de la résultante moyenne (100%) en fonction de la fréquence exprimée en l’inverse du tour du vilebrequin (tr -1). Pour retrouver le spectrogramme de fréquence pour un régime moteur donné, il suffira de multiplier les abscisses (tr-1) par la valeur du régime moteur (tr/min) en question pour obtenir des fréquences exprimées en l’inverse du temps c’est-à-dire en Hz.

Fig.12. Amplitude des harmoniques du moteur en fonction de la fréquence (tr -1)

3.2. Les vibrations mesurées à la base du siège du conducteur sus l’effet du moteur seul

3.2.1. Cas du tracteur sans cabines

Le tableau ci-dessous donne les régimes moteurs pour lesquels les mesures de vibrations ont été effectuées à la base du siège du conducteur. Dans un premier temps, nous commenterons pour le premier régime moteur (460 tr/min) les enregistrements obtenus et reprendrons par la suite, d’une façon synthétique, les résultats pour l’ensemble des régimes moteur.

Les harmoniques du moteur au régime 460 tr/min

Le spectrogramme de la figure 13 donne les harmoniques du moteur au régime 460 tr/min. Ses valeurs numériques sont reprises au tableau 1. La valeur moyenne de fréquence 0 représente le premier terme de la série de fourrier et elle est constante. Cette dernière n’induira aucune excitation, par contre les harmoniques d’ordre supérieur sont des vecteurs tournants et sont responsables de l’ébranlement du châssis du tracteur. C’est les effets de ces harmoniques que l’on essayera de retrouver à la base du siège par l’artifice métrologique.

L’harmonique d’ordre 6 est la plus importante et représente 74 % de la valeur moyenne et apparait à la fréquence 23 Hz. L’harmonique d’ordre 12, mais de moindre importance, apparait à 46 Hz et vaut 18 %. Les autres harmoniques sont d’amplitudes relativement faibles et s’atténuent au fur et à mesure que la fréquence augmente. C’est la propriété de convergence des séries de Fourier. Néanmoins et par prudence, nous ne savons pas à priori lesquelles de ces harmoniques vont se transmettre à la base du siège, compte tenu de la propriété de résonnance des différents éléments de la structure du tracteur entier.

Les vibrations mesurées à la base du siège du conducteur au régime 460 tr/min

Direction longitudinale (X)

Les vibrations enregistrées dans l’espace temps à la base du siège selon X au régime 460 tr/min ainsi que leur représentation dans le domaine amplitude-fréquence sont données par la figure 14.a.

On remarque qu’une vibration d’amplitude 0,11 r.m.s se produit à 23 Hz, fréquence qui correspond à l’harmonique source d’ordre 6, la plus importante au niveau du moteur. Les autres vibrations sont d’amplitudes très faibles et donc négligeables.

Direction transversale (Y)

L’enregistrement de vibrations à 460 tr/min selon la direction transversale Y et le spectre des fréquences correspondant sont donnés aux graphiques de la  figure 14.b.

Comme dans la direction X, le maximum apparait à 23 Hz mais d’amplitude 6 fois plus grande et vaut 0,61 r.m.s. Ce pic est du aussi à l’harmonique d’ordre 6 du moteur.

Un deuxième pic d’amplitude relativement moins importante (0,21 r.m.s) apparait à la fréquence 46 Hz correspondant à celle de l’harmonique d’ordre 12 du moteur. Pour le reste du spectre, les amplitudes sont négligeables.

Direction verticale (Z)

Les vibrations enregistrées à la base du siège dans la direction verticale Z au régime 460 tr/min ainsi que leur représentation spectrale sont données à la figure 14.c.

Il apparait selon la direction verticale deux pics d’amplitudes 0,13 et 0,10 r.m.s et se produisent respectivement aux fréquences 23 et 46 Hz. Par conséquent, ce sont les harmoniques d’ordre 6 et 12 du moteur qui en sont à l’origine.

Effet du régime moteur sur les vibrations induites à la base du siège du tracteur sans cabine

Le tableau 2 donne, pour les vibrations enregistrées selon X, Y et Z, les amplitudes maximales et les fréquences correspondantes en fonction du régime moteur. Leurs représentations en histogrammes sont données aux figures 15.a et 16.b respectivement.

Tableau. 2. Amplitudes maximales et fréquences des vibrations mesurées selon X, Y et Z

à la base du siège du conducteur  en fonction du régime moteur du tracteur sans cabine

Nous remarquons que les vibrations induites par le moteur à la base du siège du tracteur sans cabine se produisent entre 20 et 100 Hz et correspondent aux harmoniques du moteur. Des harmoniques, parfois d’amplitude relativement faible, sont plus senties à la base du siège du fait qu’elles ont été amplifiées par la résonnance des différents éléments de la structure du tracteur.

Nous remarquons également que quelque soit le régime moteur, les amplitudes des vibrations selon la direction transversale Y sont les plus importantes. L’étude théorique de la dynamique du moteur, au niveau de ses fixations, montre que la composante latérale selon Y est aussi la plus importante. Ceci corrobore les résultats des mesures effectuées à la base du siège du conducteur. En outre, selon Y et au régime 1140 tr/min, l’amplitude induite par l’harmonique d’ordre 9 et de fréquence 90 Hz se démarque nettement et vaut 1,09 r.m.s. Les amplitudes induites selon les directions X et Z sont relativement faibles et donc négligeables.

En termes de fréquences détectées à la base du siège du conducteur du tracteur sans cabine, il y’a une concordance avec celles des harmoniques du moteur qui en sont à l’origine. Néanmoins, des harmoniques du moteur même d’amplitude relativement faible peuvent être amplifiées à travers les différents éléments structurels du tracteur.

Cas du tracteur avec cabine

Le tableau ci-dessous donne les régimes moteurs pour lesquels les mesures de vibrations ont été effectuées à la base du siège du conducteur. Nous commenterons pour le régime 500 tr/min les enregistrements obtenus et nos synthétiserons par la suite les résultats pour l’ensemble des régimes moteur.

Les vibrations du moteur au régime 500 tr/min

Le spectrogramme du moteur à 500 tr/min (Fig.16) et ses valeurs numériques (Tableau .3) montrent que l’harmonique d’ordre 6, la plus importante,  se produit à la fréquence 25 Hz. Après, les amplitudes des harmoniques s’atténuent et convergent.

Les vibrations mesurées à la base du siège du conducteur au régime 500 tr/min

Les graphiques de la figure 17.a ; 17.b ; 17.c donnent les amplitudes des vibrations enregistrées selon X, Y et Z dans l’espace temps à la base du siège du tracteur avec cabine au régime 500 tr/min ainsi que leurs spectrogrammes de fréquences correspondants.

 

Direction longitudinale (X)

Le pic maximum vaut 0,037 r.m.s et se produit à 54 Hz correspondant à la fréquence de l’harmonique d’ordre 13. Malgré que cette dernière est faible au niveau du moteur que sa voisine précédente d’ordre 12 (50 Hz), elle semble plus amplifiée en arrivant à la base du siège. L’harmonique d’ordre 6 (25 Hz) la plus importante au niveau moteur est faiblement sentie et donne, à la base du siège, un pic de très faible amplitude.

Direction transversale (Y)

L’amplitude en fonction du temps est donnée à la figure. Le spectre de fréquences correspondant est représenté à la fig. On distingue essentiellement:

  • Un pic maximum qui vaut 0,038 r.m.s à 25 Hz et correspond à l’harmonique d’ordre 6 ;
  • Un pic à 52 Hz et vaut 0,02 r.m.s et correspond à l’harmonique d’ordre 12.

Direction verticale (Z)

Les vibrations enregistrées à la base du siège selon la direction verticale Z au régime 500 tr/min sont données au graphique de la figure. Leur spectrogramme est donné à la Fig.

L’amplitude maximale est de 0,023 r.m.s  et apparait à 37 HZ. Elle correspond à l’harmonique d’ordre 9.

En basses fréquences, nous avons un pic de 0,01 r.m.s  à 12 Hz correspondant à l’harmonique d’ordre 12.

En hautes fréquences, on peut distinguer un pic à 71 Hz et vaut 0,02 r.m.s . Il correspond à l’harmonique d’ordre 17. Aux alentours de 95 Hz, on observe d’autres pics d’amplitudes très faibles qui sont dus aux harmoniques de hautes fréquences.

Effet du régime moteur sur les vibrations induites à la base du siège du tracteur avec cabine

Le tableau 4 donne les amplitudes maximales et les fréquences des vibrations enregistrées selon X, Y et Z à la base du siège à différents régimes moteur du tracteur avec cabine. Les graphiques des figures 18.a et 18.b reprennent respectivement les amplitudes maximales et les fréquences en fonction du régime moteur.

En général, les amplitudes des vibrations selon la direction Y sont relativement importantes quelque soit le régime moteur. Comme dans le cas du tracteur sans cabine, il y’a aussi dans le cas du tracteur avec cabine une concordance entre l’étude théorique de la dynamique du moteur et les résultats des mesures à la base du siège du conducteur. Au régime 1400 tr/min, l’amplitude 0,141 r.m.s est la plus élevée selon Y et se produit la fréquence 70 Hz correspondant à l’harmonique d’ordre 6 du moteur.

En ce qui concerne les fréquences, il y’a également une concordance entre les fréquences senties à la base du siège du conducteur avec les harmoniques du moteur. Toutefois, des harmoniques, même d’amplitude relativement faible, peuvent être plus senties à la base du siège par le jeu du phénomène de résonance.

Tableau. 4. Amplitudes maximales et fréquences des vibrations mesurées selon X, Y et Z

à la base du siège du conducteur  en fonction du régime moteur du tracteur avec cabine

Comparaisons du tracteur sans cabine avec le tracteur avec cabine

La superposition des amplitudes maximales des vibrations enregistrées à la base du siège du conducteur selon X,Y et Z des deux tracteurs, sous l’effet des vibrations sources du moteur seul, sont données respectivement en fonction du régime moteur au graphiques des figures 19.a ; 19.b et 19.c.

Les graphiques mettent en évidence l’effet d’amortissement des vibrations par la cabine suspendue au moyen de silentblocs par rapport au tracteur sans cabine. Aux bas régimes aux alentours de 500 tr/min, la cabine amortie  l’amplitude des vibrations d’environs 65 % selon la direction X, de 94 % selon Y et de 85 % selon Z. Entre 1000 et 1500 tr/min), les vibrations sont amorties par la cabine d’environ 67 % selon X, de 88 % selon Y et de 59 % selon Z.

Les fréquences auxquelles apparaissent les amplitudes des vibrations selon X, Y et Z à la base du siège du conducteur sont données respectivement aux graphiques des figures 19.d ; 19.e et 19.f pour les deux tracteurs. Les amplitudes de vibrations se produisent pratiquement dans la même gamme de fréquence allant de 20 à  100 Hz pour les deux tracteurs. Aux bas régimes, les fréquences augmentent généralement avec le régime moteur et oscillent dès qu’on passe aux hauts régimes. La cabine, avec ses suspensions, semble provoquer un glissement de la courbe des fréquences vers des régimes supérieurs et retarde leur apparition. Ceci peut être expliqué par les structures différentes des deux tracteurs influant sur leurs propriétés mécaniques de filtration des fréquences des vibrations. Ces résultats confirment l’avantage de tracteurs équipés d’une cabine suspendue.

Fig.19. Comparaison des amplitudes maximales et fréquences des vibrations enregistrées à la base du siège du conducteur selon X,Y et Z du tracteur sans cabine et celles du tracteur avec cabine, sous l’effet des harmoniques sources du moteur seul, en fonction du régime moteur

Comparaison des vibrations du tracteur sans cabine à la norme ISO internationale ISO 2631

La superposition des spectrogrammes des vibrations les plus importantes induites à la base du siège du tracteur sans cabine sous l’effet des harmoniques du moteur aux limites d’expositions de la norme ISO 2731 (Fig.20 : a ;b ;c ;d) montrent que ces vibrations sont sans aucun danger pour la santé du conducteur. Il va de même pour le tracteur avec cabine puisque, comparé au tracteur sans cabine, nous avons mis en évidence l’avantage d’une cabine suspendue au moyen de silentblocs.

Conclusion

L’analyse spectrale de Fourrier de la courbe théorique du moteur Diesel à 6 cylindres, nous a permis de mettre en évidence les fréquences des harmoniques source d’excitation. Des harmoniques du moteur, caractérisées par leurs fréquences, sont détectées à la base du siège du conducteur et il y’a donc une concordance entre la source d’excitation et ses effets selon les directions longitudinale (X), transversale (Y) et verticale (Z). Toutefois, des harmoniques même d’amplitudes faibles, peuvent être amplifiées par le phénomène de résonnance et avoir plus d’effet à la base du siège du conducteur.

Pour les deux tracteurs, l’un sans cabine et l’autre avec cabine, les amplitudes des vibrations enregistrées à la base du siège du conducteur selon Y, sous l’effet des vibrations sources du moteur, sont les plus importantes, et ce quelque soit le régime moteur. Dans ce cas, la concordance est parfaite puisque, la composante transversale est aussi la plus importante au niveau du moteur, confirmée par son étude dynamique.

Les mesures mettent en évidence l’effet d’amortissement des vibrations par la cabine suspendue au moyen de silentblocs par rapport au tracteur sans cabine. Aux bas régimes aux alentours de 500 tr/min, la cabine amortie  l’amplitude des vibrations d’environs 65 % selon la direction X, de 94 % selon Y et de 85 % selon Z. Entre 1000 et 1500 tr/min), les vibrations sont amorties par la cabine d’environ 67 % selon X, de 88 % selon Y et de 59 % selon Z.

Les amplitudes de vibrations se produisent dans la même gamme de fréquence allant de 20 à  100 Hz pour les deux tracteurs. Aux bas régimes, les fréquences augmentent généralement avec le régime moteur et oscillent dès qu’on passe aux hauts régimes. La cabine suspendue provoque un glissement des fréquences vers des régimes supérieurs et retarde leur apparition. Dans les deux cas de tracteurs, les vibrations induites à la base du siège sous l’effet du moteur seul à différents régimes moteur, sont sans aucun danger pour la santé du conducteur.

Par le Professeur Lahsen HAMMADA

 

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