INTERVIEW D’EXPERTE
Avec la montée des risques phytosanitaires en région méditerranéenne, la détection rapide des virus,bactéries et autres microorganismes pathogènes des plantes devient un enjeu stratégique pour les agriculteurs. Depuis plus de 20 ans, Agdia EMEA donne aux producteurs les moyens d’agir efficacement avec ses kits de détection. Entretien avec Salima Berkani, co-directrice chez Agdia EMEA.
Agdia EMEA fait de la détection rapide des pathogènes des végétaux sa priorité R&D depuis sa création. Pourquoi cet axe stratégique ?
SB : La société Agdia Inc. existe depuis 1981. Elle est basée à Elkhart, dans l’Indiana aux États-Unis. Notre société Agdia EMEA représente la structure américaine sur l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Nous avons commencé à développer nos premiers kits rapides, les ImmunoStrip®, au début des années 2000. Révolutionnaires pour l’époque, ces outils permettent encore aujourd’hui une détection rapide des virus et bactéries sur les cultures maraîchères et ornementales.
Les producteurs ont vite vu l’intérêt d’utiliser ces tests pour mieux contrôler les agents pathogènes, afin d’éviter leur propagation et protéger efficacement leurs productions. Depuis dix ans, la demande a explosé, nous avons donc renforcé le développement de ces outils de diagnostic rapide pour la détection des pathogènes à risque..
L’agriculture d’Afrique du Nord est-elle menacée par des virus et bactéries en particulier ? Avec quels impacts sur les rendements ?
SB : Il y a plusieurs sujets d’inquiétude. Concernant les cultures maraîchères, le virus de la rugose de la tomate (ou ToBRFV – Tomato brown rugose fruit virus) est bien connu. Ce virus très contagieux occasionne des pertes de rendements pouvant atteindre 15 à 20 %, parfois bien plus. Il se transmet par la semence et par contact. Le Maroc, grand pays producteur de tomates, est bien sûr concerné.
Du côté des cultures d’oliviers, il faut citer la Xylella fastidiosa, une bactérie transmise par une cicadelle qui a sévèrement impacté l’Italie du Sud. Elle a provoqué jusqu’à 90 % de perte de production d’huile d’olive. Heureusement, elle n’a pas encore été détectée en Afrique du Nord. Mais tous les pays ont dû prendre des mesures préventives pour éviter la propagation aux espèces cultivées, telles que les oliviers. Notamment via le contrôle régulier des plantes hôtes sensibles, y compris de la flore sauvage.
Le chancre bactérien entraîne flétrissement et nécrose pour la tomate. Cette bactérie, appelée Clavibacter michiganensis, se propage facilement par l’eau ou les outils agricoles, puis s’introduit par les blessures et les ouvertures naturelles de la plante. Elle attaque son système de circulation (le xylème) et peut même contaminer les semences. D’après le GEVES (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences), cela contribue hélas à diffuser la maladie lors des échanges à l’international.
Enfin, il ne faut pas oublier le virus TSWV transmis par les thrips. Il endommage la qualité des poivrons et tomates et peut provoquer jusqu’à 60 % de pertes.
À qui s’adressent vos kits de détection rapide sur le terrain ?
SB : Les besoins sont très variés, depuis les arbres fruitiers jusqu’aux agrumes, en passant par les principales cultures maraîchères, telles que la tomate, le poivron, la courgette, le concombre et le melon. Nos kits sont également employés sur les plantes ornementales, telles que le géranium et les orchidées.
Nos utilisateurs sont principalement des semenciers, pépiniéristes, producteurs sous serre, conseillers agricoles, inspecteurs phytosanitaires et laboratoires de diagnostic. Ils sont basés partout dans le monde : aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud, en Asie centrale, au Maroc, au Kenya, en Afrique du Sud, en Chine, en Thaïlande ou encore en Australie.
En quoi vos innovations répondent-elles aux défis de la région méditerranéenne ? Quelles fonctionnalités sont déterminantes pour vos utilisateurs ?
SB : Depuis plus de 40 ans, notre expertise dans le domaine de la détection de pathogènes végétaux nous a permis de développer des kits rapides, fiables et efficaces. Étant en contact avec tous les acteurs de la filière, du semencier au producteur, nous comprenons l’importance de pouvoir compter sur des outils performants. De plus, Agdia développe en parallèle d’autres gammes de kits de détection à destination des laboratoires.
En zone méditerranéenne, les changements climatiques et la hausse des échanges commerciaux augmentent considérablement la pression phytosanitaire.
Nous observons que certains producteurs choisissent d’utiliser nos kits uniquement en cas de doute sur un symptôme, afin de réagir vite et d’éviter la propagation du pathogène. Cependant, nous encourageons plutôt nos partenaires à mettre en place des plans de contrôle préventif et systématique. Oui, cela nécessite un budget au départ. Mais il y a un vrai retour sur investissement, du fait de l’augmentation des rendements de qualité.
Et pour les entreprises qui exportent, cette approche permet de démontrer aux clients que les productions sont saines, exemptes de pathogènes. Au lieu de risquer des refus de marchandises à l’arrivée.
Comment ces kits s’intègrent-ils dans le cycle de production ?
SB : Ils sont utilisés par les différents acteurs de façon parallèle.
Les semenciers s’assurent d’abord que les semences commercialisées sont saines (via des techniques de laboratoire comme l’ELISA ou la PCR). De même, les pépiniéristes contrôlent les plants mères de manière régulière. Cette répétition des tests de détection est essentielle, car certains pathogènes peuvent être transmis tout au long du cycle cultural, par exemple par les outils de taille.
Lors de la réception de plants, les producteurs peuvent réaliser des échantillonnages pour tester à nouveau la qualité sanitaire. Cela évite d’introduire des plants infectés dans les serres de production. Puis, tout au long de la culture, il est crucial de tester à intervalles réguliers. Une plante qui semble saine aujourd’hui peut révéler une infection quelques semaines plus tard.
Enfin, après la récolte et avant l’expédition, surtout à l’international, nous recommandons un dernier contrôle. Il s’agit d’éviter la présence de maladies fongiques, telles que le botrytis.
Quels sont vos prochains axes de développement pour aider les agriculteurs méditerranéens à rester compétitifs sur les marchés mondiaux?
SB : Notre ambition est de continuer à démocratiser l’accès à nos méthodes de détection de pathogènes végétaux, pour un maximum d’utilisateurs. Nous renforçons également notre R&D afin de proposer des tests qui répondent au mieux aux demandes urgentes. Notamment en cas de pathogènes émergents, grâce à nos réseaux internationaux qui nous donnent accès aux données les plus récentes. Nous sommes d’ailleurs membres actifs du réseau global EUPHRESCO, dédié à la coordination de la recherche phytosanitaire.
Par ailleurs, nous observons que les pépiniéristes et gros producteurs souhaitent augmenter leur capacité de détection en interne. C’est pourquoi nous proposons des formations et l’implémentation d’outils comme l’ELISA, capable de tester de nombreux échantillons simultanément et adopté depuis longtemps par les semenciers.
Nous avons aussi développé l’AmplifyRP®, un outil moléculaire proche de la PCR, qui donne un résultat ADN/ARN en 30 minutes sur échantillon frais. Il est plus sensible et rapide que les méthodes immunologiques classiques.
Tous ces outils s’intègrent dans une stratégie globale de contrôle phytosanitaire, qui permet aux producteurs de gagner en compétitivité sur les marchés internationaux. Tout en étant facile à mettre en place, grâce à nos formations et la fourniture de tous les équipements.