Développer les synergies entre cultures et élevage pour accroître la résilience des petits producteurs.
Les stratégies qui combinent des interventions sur les cultures et l’élevage sont les plus efficaces pour augmenter la capacité d’adaptation et la résistance aux aléas de petits producteurs en Afrique subsaharienne. Leur mise en œuvre est favorisée lorsqu’elles sont testées dans le cadre de plateformes d’innovation, en faisant participer l’ensemble des parties prenantes d’un territoire.
Les petits producteurs qui combinent cultures et élevage produisent environ la moitié de la nourriture dans le monde. Ils ont un rôle important à jouer pour assurer la sécurité alimentaire, en particulier en Afrique subsaharienne. D’une part, la demande globale en produits végétaux et animaux devrait augmenter d’ici 2050. Il est prévu que la demande globale en produits animaux augmente de 70% et elle devrait plus que doubler en Afrique subsaharienne. D’autre part, le potentiel de gains de production dans ces systèmes est important, tant au niveau des cultures que de l’élevage. Cependant, les gains à réaliser devront l’être dans un contexte très incertain, marqué par la volatilité des prix et les effets du changement climatique, et très contraint par la nécessité de réduire l’empreinte environnementale des systèmes de production.
Une étude de cas au Burkina Faso
Dans la région du Yatenga, au nord Burkina Faso, une enquête auprès de 200 familles agricoles a permis d’identifier quatre leviers techniques prometteurs du point de vue des producteurs :
- la fertilisation minérale azotée ;
- une récolte améliorée des résidus de cultures ;
- la supplémentation des animaux avec des concentrés ;
- l’allocation des résidus de cultures de meilleure qualité aux animaux les plus productifs.
Quatre fermes contrastées représentatives de la diversité agricole du territoire ont été paramétrées dans un modèle informatique dynamique. L’impact des leviers techniques sur la sécurité alimentaire de ces quatre fermes a été simulé, d’abord de manière séparée, puis sous forme de paquet technique. Deux séries climatiques longues (90 années), correspondant au climat actuel et en 2050, ont été utilisées de façon à rendre compte des effets de la variabilité et du changement climatiques sur les performances des stratégies testées.
A chaque système de production son paquet technique
Les paquets techniques les plus efficaces sont différents dans les quatre fermes, montrant par là qu’il n’y a pas de solution unique, mais des stratégies à adapter aux différents systèmes de production. Toutefois, dans les quatre fermes, les stratégies qui agissent conjointement sur les cultures et l’élevage, plutôt que sur un seul levier, se sont révélées les plus pertinentes par rapport à la résilience des systèmes de production. En particulier, une bonne récolte des résidus de cultures combinée à l’allocation de résidus de meilleure qualité aux animaux les plus productifs permet d’augmenter la production des animaux en n’ayant que peu ou pas recours aux aliments du commerce.
Si l’usage d’intrants (engrais minéraux et aliment du bétail) permet d’augmenter la production et le revenu moyen des producteurs, il augmente aussi le risque d’obtenir un très faible revenu lors des mauvaises années. Lors de la restitution des résultats dans les quatre fermes étudiées, les petits producteurs ont confirmé que ce risque négatif explique en partie le faible recours aux intrants du commerce. L’étude a montré que le changement climatique pourrait augmenter ce risque associé à l’utilisation des intrants et réduire de facto le potentiel de développement futur des systèmes.
Des plateformes d’innovation participative
Une approche participative a été conduite afin de mettre en œuvre concrètement les paquets techniques identifiés. Des ateliers de modélisation ont été organisés à cet effet au sein de plateformes d’innovation, qui sont des structures innovantes réunissant l’ensemble des acteurs du territoire (producteurs, transformateurs, banques, conseillers…)
Car l’adoption des paquets techniques par les producteurs ne va pas de soi. Dans les fermes laitières au sud du Burkina Faso par exemple, elle s’est révélée très dépendante des changements opérés aux autres niveaux de la filière. Les éleveurs n’ont en effet intérêt à mettre en œuvre les techniques permettant d’augmenter la production que s’ils peuvent valoriser le lait supplémentaire, c’est-à-dire si ce lait est ramassé et transformé. Les laiteries, elles, n’ont intérêt à mettre en place de nouveaux points de collecte du lait que si les volumes produits sont suffisants pour rentabiliser l’investissement. Ces interdépendances sont susceptibles de bloquer l’adoption de paquets techniques, difficulté qui a été levée grâce à la concertation et aux apprentissages réciproques entre les acteurs. Une preuve que les systèmes de production co-évoluent avec les différents maillons de la filière !
Le travail de recherche-action mené à travers les plateformes d’innovation s’est traduit par des impacts concrets, non seulement sur les niveaux de production et le revenu des ménages agricoles, mais aussi sur d’autres dimensions, par exemple le travail des femmes. Ces répercussions complexes ont été estimées en mobilisant conjointement des méthodes quantitatives et qualitatives complémentaires.
Un déploiement multi-échelle au service d’une agriculture climato-intelligente
Ces travaux à l’échelle de l’exploitation et des collectifs d’acteurs dans les territoires ont été intégrés et articulés dans un cadre d’analyse établi grâce à des études complémentaires aux échelles continentale (Afrique) et mondiale. Ce cadre vise :
• la définition concertée de grands enjeux mondiaux pour l’élevage,
• le ciblage de zones à fort potentiel ou particulièrement vulnérables,
• l’identification et la mise en œuvre de stratégies robustes, adaptées à chaque contexte, pour favoriser la résilience des systèmes de production,
• l’évaluation de leur pertinence dans une gamme de variabilité climatique, afin d’en assurer la diffusion.
Il sera bientôt possible d’inclure une estimation des impacts environnementaux, en particulier des émissions de gaz à effet de serre et du stockage de carbone, dans la conception de stratégies pour favoriser la résilience des petits producteurs.
Source et crédit photo: INRA