Dans un continent déjà confronté à une multitude de défis, de la crise sanitaire du Covid-19 aux effets négatifs du changement climatique, une problématique majeure continue de menacer la sécurité alimentaire de millions d’africains : le stockage des récoltes. Bien que souvent négligée, cette question revêt une importance capitale, comme le soulignent les experts du domaine.
On estime à 40% de la production agricole perdue faute de stockage et de conservation adéquats en Afrique. Une perte énorme pour les agriculteurs alors même qu’ils ne sont pas confrontés à des facteurs externes notamment climatiques.
Djibril Diop, inspecteur à la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal, témoigne des conséquences désastreuses d’un mauvais stockage des produits agricoles. « Vous pouvez produire, mettre ça en stockage et un aléa arrive », illustre-t-il. « Les rongeurs peuvent arriver si c’est mal entreposé et déprécier la marchandise. Du coup, la valeur marchande diminue. »
Cette réalité se traduit directement dans le quotidien des populations africaines, comme le souligne Mireille Mogena, une experte en agriculture basée au Tchad. « Pendant les périodes de soudure, on voit que les prix flambent et on se demande pourquoi les prix flambent », souligne-t-elle. « Parfois, on a l’impression que les producteurs ont stocké pour faire de la surenchère. Mais parfois non. Justement, ils n’ont pas forcément stocké, mais ils ont cette problématique de pouvoir trouver des lieux de stockage. Donc, c’est un peu une double peine. »
En Côte d’Ivoire, cette problématique a été étudiée de près par les autorités. Selon des estimations, entre 30 et 60% des récoltes sont perdues chaque année faute de structures de stockage adéquates, entraînant un coût économique évalué à 40 milliards de francs CFA. « Ne serait-ce que pour la moitié des 23 spéculations que nous avons, afin de stocker la moitié, nous avons besoin d’un peu plus de 2 000 entrepôts. Ça fait un investissement d’environ 5 milliards d’euros dans toutes les zones de production », explique Koffi Ngoran, le directeur général de l’Autorité de régulation des récépissés d’entreposage.
Face à cette urgence, les autorités ivoiriennes ont lancé un programme ambitieux pour améliorer les capacités de stockage. Un projet de construction de 108 entrepôts est actuellement en cours, dans le but de réduire les pertes et de garantir la qualité des produits agricoles.
Il est clair que le défi du stockage alimentaire en Afrique nécessite une attention soutenue et des investissements stratégiques. Seul un effort concerté des gouvernements, des acteurs du secteur privé et de la communauté internationale permettra de relever ce défi crucial pour la sécurité alimentaire du continent africain.