Dans le vaste champ de l’agriculture, une perspective inattendue émerge : les fourmis, ces petites créatures souvent négligées, pourraient bien être les alliées inattendues des agriculteurs. Une étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B révèle que ces insectes sociaux pourraient surpasser parfois les pesticides chimiques en matière de protection des cultures.
C’est la première fois qu’une revue systématique, synthétisant la littérature scientifique existante, explore la relation entre les fourmis et l’agriculture. Des chercheurs brésiliens ont compilé une cinquantaine d’études, évaluant la présence de ravageurs, la santé des plantes et le rendement agricole dans des champs avec ou sans fourmis.
Les résultats de cette synthèse sont surprenants. Les fourmis se révèlent être d’excellentes protectrices contre des ravageurs tels que les chenilles et les mouches drosophiles. Dans certains cas, leur présence s’avère même plus bénéfique que l’utilisation de pesticides chimiques, réduisant les dommages aux cultures et augmentant les rendements.
En Australie, par exemple, Géo.fr indique que la fourmi tisserande (Oecophylla smaragdina) a démontré sa capacité à augmenter la production de noix de cajou de près de 50%, générant un revenu net pour les agriculteurs de 70%. Cette estimation prend en compte les avantages économiques liés à l’utilisation des fourmis plutôt que des insecticides.
Les chercheurs ont également observé que le « biocontrôle » exercé par les fourmis était renforcé dans des environnements agricoles diversifiés. Les cultures de type « agroforesterie », où les plantes basses cohabitent avec des arbres, semblent particulièrement bénéficier de la présence des fourmis protectrices.
Au-delà de leur rôle de défense contre les ravageurs, certaines fourmis vont jusqu’à « cultiver » des plantes. Toujours selon la même source une espèce des îles Fidji, Philidris nagasau, se distingue par sa capacité à choisir le lieu idéal pour faire germer une graine, puis à fertiliser la jeune pousse avec ses excréments.
Cependant, cette alliance entre les fourmis et l’agriculture n’est pas universelle. Sur les 14 000 espèces de fourmis connues, seules 26 ont été étudiées pour leur impact sur l’agriculture. Certaines espèces, en élevant des pucerons ou des cochenilles pour se nourrir de leur miellat, peuvent favoriser la présence de ces parasites aux dépens des cultures agricoles.
Les chercheurs suggèrent néanmoins qu’il est possible de rompre cette symbiose nuisible en offrant aux fourmis d’autres sources de sucre dans les champs. Ces insectes délaisseraient alors « l’élevage » de pucerons tout en continuant à s’attaquer aux chenilles ravageuses.
Bien que l’idée d’utiliser les fourmis comme une alternative aux pesticides soit séduisante, les experts appellent à la prudence. L’équilibre délicat de l’écosystème et les interactions complexes entre les espèces végétales et animales, qu’elles soient cultivées ou sauvages, doivent être pris en compte. Le Dr. Patrick Milligan de l’Université du Nevada souligne que l’utilisation des fourmis pourrait représenter « une autre option dans notre panoplie de pratiques agricoles » permettant de s’éloigner des pesticides tout en améliorant les rendements.
Avant même que la science ne confirme le potentiel des fourmis en tant qu’alliées de l’agriculture, certaines régions du monde, comme les producteurs de citron en Chine et les cultivateurs de cacaoyers au Ghana, ont déjà intégré ces insectes dans leurs pratiques agricoles. L’avenir pourrait ainsi réserver une place inattendue aux petites fourmis dans la grande histoire de l’agriculture.
Rappelons enfin que selon une étude menée par des chercheurs et publiée dans la revue anglaise Proceedings of the Royal Society B., les fourmis seraient les premières à avoir inventé l’agriculture il y a environ 30 millions d’années.