Face à la pourriture grise, les plantes dévoilent leur arme secrète.
Les plantes possèdent une défense étonnante contre la pourriture grise, causée par le redoutable champignon Botrytis cinerea. Des chercheurs de l’Université de Californie à Riverside ont récemment révélé les détails de ce mécanisme de défense, dévoilant une stratégie intrigante utilisée par les plantes pour contrer leur agresseur.
Selon l’étude publiée dans la revue Cell Host & Microbe le 15 décembre 2023, les plantes envoient des « bulles » de gras remplies d’ARN messager vers le champignon responsable de la pourriture grise. Ce processus innovant offre un nouvel aperçu des interactions complexes entre les plantes et les parasites fongiques, suscitant l’intérêt de l’industrie agroalimentaire.
La pourriture grise, souvent considérée comme un atout par certains viticulteurs pour la production de vins liquoreux, représente cependant un défi majeur pour les producteurs de raisins, de fraises et de tomates. Affectant plus de 1 400 espèces végétales, cette maladie entraîne des pertes de rendement significatives.
Les chercheurs, dirigés par le Pr Hailing Jin du département de microbiologie et de pathologie végétale de l’UC Riverside, ont découvert que les plantes utilisent des vésicules lipidiques, ou « bulles graisseuses », pour envoyer des molécules d’ARN capables de réduire au silence les gènes responsables de la virulence de la pourriture grise. De manière surprenante, ces bulles peuvent également contenir des molécules d’ARNm qui ciblent les processus cellulaires essentiels du champignon.
Le Pr Jin explique que ces ARNm peuvent coder pour des protéines présentes dans les mitochondries des cellules de la moisissure, perturbant ainsi leur structure et leur fonction. Cette perturbation inhibe la croissance et la virulence du champignon, représentant ainsi une stratégie novatrice de défense végétale. Il s’agit là d’un véritable cheval de Troie utilisé par les plantes pour lutter contre la pourriture grise.
Bien que le champignon absorbe probablement les bulles de lipides pour obtenir des nutriments, il semble ignorer la présence d’ARN cachés à l’intérieur. Pour les plantes, la livraison d’ARNm offre un avantage clair, permettant la traduction en de nombreuses copies de protéines, amplifiant ainsi les effets de la défense.
Il est intéressant de noter que les champignons utilisent également des bulles lipidiques pour introduire de petits ARN nuisibles dans les plantes, supprimant ainsi l’immunité de l’hôte. Cette « course à l’armement » témoigne de la co-évolution constante entre les hôtes et les parasites.
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En anticipant l’application de cette découverte, le Pr Jin et son équipe espèrent développer des fongicides novateurs et respectueux de l’environnement. En comprenant mieux les mécanismes de défense des plantes, ils aspirent à aider les cultures à lutter de manière plus efficace contre les parasites et les agents pathogènes.
Cette avancée prometteuse offre un nouvel espoir dans la lutte incessante entre les plantes et la pourriture grise, ouvrant la voie à des solutions durables pour l’industrie agricole.