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Le travail agricole des femmes rurales

Le travail agricole des femmes rurales au Maroc.

Le travail agricole des femmes rurales entre précarité et Emporwement : cas de la région de Saiss. Par Dr Bentaibi Abderrahim, Chercheur en sociologie rurale et de développement.

Dr Abderrahim Bentaibi, Chercheur, Sociologie du développement (URGDRNESR - CRRA Meknès)
Dr Abderrahim Bentaibi, Chercheur, Sociologie du développement (URGDRNESR – CRRA Meknès)

Au Maroc, 45% de la population active est employée dans le secteur de l’agriculture, qui représente 15 à 20% du PIB du pays. Les jeunes et les femmes constituent une part importante de la main d’œuvre agricole et y accèdent dans des conditions généralement précaires en termes de qualification et de cadre général de travail.

En effet, 93,2% de la main d’œuvre féminine rurale est recrutée par le secteur agricole, dont près du tiers ont moins de 19 ans et 7 sur 10 sont analphabètes (HCP, 2013). La politique de l’emploi en milieu rural doit tenir compte de la prépondérance de l’emploi informel et occasionnel par rapport à l’emploi formel. En effet, le chômage, masqué par le sous-emploi, a touché 10% des travailleurs en 2013 (2,5% pour les femmes et 13,9% pour les hommes). En revanche, l’emploi non rémunéré concerne 40% de l’emploi en milieu rural (ILO, 2014) dont 74% des femmes actives et 68% des jeunes de moins de 25 ans.

Malgré le progrès technologique, la main d’œuvre agricole salariale tient une place majeure dans l’agriculture et constitue une part importante de la population active agricole. La majorité de cette main d’œuvre est constituée de paysans sans terres et n’ayant que leurs forces de travail à offrir.

Ouvrir le volet relatif à la contribution de la main d’œuvre agricole dans les principales filières agricoles, permet de prêter plus d’attention aux conditions de travail et aux salaires des ouvriers et des ouvrières.

Dans cette perspective, une étude a été entamée au niveau de la région Sais afin d’approcher les conditions de travail, les opportunités, les contraintes et les normes socioculturelles qui interagissent pour modeler l’expérience des ouvrières et des ouvriers agricoles (de différentes générations, statuts sociales, éducation, etc.) travaillant sous différentes modalités et conditions (à temps plein, à temps partiel, formel, informel, saisonnier et permanent). Les données empiriques de cette étude ont été recueillies grâce à des enquêtes effectuées auprès de 400 ouvriers agricoles (200 femmes et 200 hommes) au niveau des communes rurales de Bettit (Province d’El Hajeb), Aïn Jomaa, et Sidi Sliman Moul Lkifane (Province de Meknès). Les données de l’enquête ont été complétées par des entretiens avec les acteurs intervenant dans le travail agricole rémunéré: superviseurs de la main-d’œuvre, les agriculteurs et les employeurs.

Les résultats ont révélé que le travail ouvrier dans l’agriculture concerne principalement les personnes issues de familles pauvres, en majorité les sans terres. Le travail des femmes dans l’agriculture concerne principalement un travail familial non rémunéré ou un travail journalier saisonnier. Les normes sociales confinent aux femmes certaines tâches dans un segment spécifique de la chaîne de valeur limitant ainsi leur accès à des opportunités meilleures et renforçant davantage leur situation précaire A cause de la faiblesse de son capital humain, cette catégorie vulnérable sur le marché du travail rural est condamnée à rester dans le secteur informel et dans l’emploi non rémunéré.

Les femmes dans les zones non irriguées d’Aïn Jomaa disposent de moins de chances d’accéder à un emploi ; la force de travail féminine ne représente pas plus que 20% au niveau de cette commune contre 60% dans les zones irriguées de Bittit et Sidi Sliman Moul Lkifane.

L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est de 25%. Les tâches spécifiques aux femmes, nécessitant une main-d’œuvre qualifiée, sont souvent payées 25% en moins que les tâches spécifiques aux hommes. Les tâches utilisant des équipements et qui sont mieux payés ont tendance à être affectées aux hommes alors que les femmes sont beaucoup plus susceptibles de se retrouver à accomplir des tâches fortement consommatrices en temps et faiblement rémunérées. Dans le secteur informel, les hommes sont régulièrement payés 13% plus que les femmes pour le même travail.

Le harcèlement sexuel a également été identifié comme un problème majeur pour les femmes dans le secteur agricole : 16% des jeunes femmes et 9% des femmes adultes l’ont déclaré comme problème pesant. Les insultes, la réduction et le retard de paiement et le manque d’outils agricoles ont également été classées comme principaux problèmes tant par les hommes que les femmes.

L’adoption de politiques publiques en matière de protection sociale, l’application de la législation en termes de salaire égal pour les femmes, les renforcement des capacités des ouvriers en matière de culture des droits de l’homme en général et de protection sociale en particulier, ainsi que la formation des employeurs pour traiter adéquatement et de manière proactive le problème du harcèlement sexuel, constituent une première étape essentielle pour permettre aux femmes de bénéficier équitablement avec les hommes de leur contribution au travail dans le secteur agricole et partant contribuer à la lutte contre la pauvreté. Le Maroc dispose de programmes nationaux qui peuvent contribuer à améliorer la situation des travailleurs ruraux. C’est le cas de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) et le Plan Maroc Vert qui sont appelés à concevoir et mettre en œuvre des actions de développement utiles et pertinentes aux populations et communautés concernées.

Avec Inra Meknès et Crédit photo:DR
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